vendredi 27 décembre 2013

SAMSON 1982


"Sur ce riff de SG Gibson qui résonne encore dans ma tête s'ouvre une nouvelle page de ma vie."  
 SAMSON : « Before The Storm » 1982

Je sens sa main serrer mon bras, entre tendresse et urgence. Elle dépose un baiser délicat sur mon avant-bras. Je tressaille. Mon cœur s'emballe. Je n'ai jamais ressenti une telle douceur Je vois ses jolis yeux verts se poser sur moi. Elle pose ses lèvres sur les miennes. Je la prend délicatement par les hanches afin de la serrer dans mes bras. Je sens ses seins contre ma poitrine. Je n'ai même pas envie de sexe ce soir. Juste la sentir contre moi, caresser ses hanches, embrasser sa nuque des heures durant.
Je croyais que cette saveur des sentiments n'était plus qu'un lointain souvenir. Je croyais que désormais je devais trouver l'alliage le moins pénible pour élever nos enfants respectifs. Loin étaient l'amour et la sensualité. Et puis vint ce jour....
Elle et moi étions tellement mal à l'aise. Malgré les expériences du passé, les blessures à l'âme, nous étions comme deux adolescents maladroits. Osant à peine nous regarder, forçant le trait de l'humour l'un et l'autre afin de noyer un malaise latent. Nous échangeâmes quelques paroles maladroites et malhabiles. Le temps de nous rendre compte que nous étions en fait parfaitement en phase sur absolument tout. Nous passâmes la nuit ensemble, ivres de désirs et de douceur.
La sentir se blottir dans mes bras durant toute la nuit fut une expérience presque surnaturelle. Je crus ressentir mon cœur sortir de ma poitrine, et l'angoisse surréaliste que tout cela ne pouvait être vraie. Après tant de désillusions, comment pourrais-je espérer tant d'une rencontre ?
Dés nos premiers échanges écrits, une grande complicité s'était installée, mais j'avais connu la déception de la rencontre physique, lorsque la magie de l'écrit ne se transforme pas lorsque nous sommes face à face. Il faut dire qu'une première rencontre est toujours quelque chose de difficile. On essaie de se donner une contenance, on essaie de montrer le meilleur de soi-même. Mais ce qui transparaît n'est qu'un grand con maladroit riant nerveusement, faisant des tonnes pour emplir le moindre silence.
Ce soir, ce ne sera pas un échec, mais un fabuleux espoir qui s'ouvre à moi. De sentir cette jolie princesse se serrer contre moi fut un moment de bonheur que je n'osais plus rêver.
Mon âme mettra un peu de temps à se remettre des déceptions passées. Mais il me semble qu'il s'agit de la chance de ma vie. Et elles sont trop rares pour être perdues. Et mon cœur s'est ouvert à nouveau.

Curieusement, la bande-son de ma vie est un melting-pot de Heavy-Rock Stoner Doom typé Sungrazer, Samsara Blues Experiment, et Elder, et ce disque. Un bon vieux disque de Hard-Rock Blues de 1982, acheté en vinyl durant mes jeunes années.Une pochette moche, typé Metal des années 80, mais un contenu complètement à l'opposé. Je me souviens avoir trouvé ce disque mou du genou à mes seize ans.
Néanmoins, il faut rappeler le contexte : ivre de Heavy-Metal de la NWOBHM, je découvris Samson. Quatuor formé de Paul Samson à la guitare, Chris Aylmer à la basse, Bruce Dickinson alias Bruce Bruce au chant, et Barry Purkis alias Thunderstick à la batterie, le groupe sortit un fabuleux album du nom de « Head On » en 1980. Classique de cette période, il inscrivit Samson dans l'histoire du Hard-Rock, en plus d'avoir disposé du futur chanteur d'Iron Maiden.
Thunderstick partit en 1981 avec le très bon « Shock Tactics », et Dickinson fin 1981 pour Iron Maiden. Le groupe est en cendres, mais pas meurtri. Un batteur, Pete Jupp, est recruté. Et puis un chanteur : Nicky Moore. Son physique grassouillet choque par rapport aux standards des hard-rockeurs de l'époque. Qui plus est, l'homme, n'est pas un jeune premier, mais un vrai galérien du Hard-Blues depuis ….. 1970. Et il ne fit partie que de groupes de seconde zone : Hackensack, ou encore Tiger, dans une veine Blues-Rock sympathique mais guère originale.
Aussi, quand Paul Samson propose à ce second couteau du Hard-Metal de prendre le micro dans ce qui est considéré comme le groupe prometteur du nouveau Hard-Rock anglais, on est en droit de s'interroger. Jusqu'à ce que Nicky Moore chante. Sa voix puissante, rugueuse, Blues, fait merveille sur les nouveaux titres de Samson. Car le quatuor a aussi légèrement réorienté sa musique. Finies les envolées speed portées par la batterie folle et virtuose de Thunderstick. La batterie lourde et carrée de Jupp, les riffs denses de Paul Samson, et la voix de Moore emmène le groupe vers des horizons entre hard-rock mélodique à la Bad Company et hard-blues typé ZZ Top.
Forcément, le jeune gamin que j'étais, ivre de folie et de puissance, ne pouvait déceler la force de cette musique. Pourtant, déjà, « Dangerzone » et « Stealing Away » avaient accroché mon oreille.
Mais l'homme mature et blessé que je suis y trouve une force nouvelle. D'autant plus qu'après des heures d'écoute de Heavy-Blues Stoner, je ressentis à nouveau dans ce disque ce mélange de mélancolie post-traumatique et d'espoir fou après la tempête.
Dés « Dangerzone », son riff implacable, sa batterie lourde, et la voix furieuse de Moore, le ton est donné. Il n'est plus question d'un hard-rock frimeur, mais d'une musique plus introspective. Par rapport au ton de l'époque, typé vitesse genre trash-speed, on est complètement hors course.
Mais il se dégage dés ce premier morceau une sensation d'homme brisé revenant de l'Enfer. Les petits garçons sont devenus des hommes. La mélodie et la force de ce Hard-Blues emmène l'âme vers de nouveaux territoires.
Ainsi, « Stealing Away », et son approche presque hard-fm n'a que l'apparence d'un morceau facile. Il est ce genre de chanson que l'on écoute pour s'ouvrir de nouveaux horizons. En fait, la voix de Nicky Moore permet tout. Cet homme donne à n'importe quel morceau une dimension lyrique et une puissance indescriptible. La guitare de Paul Samson gronde, provoquant une ondulation Blues ravageuse entrecoupée de petits chorus précis et d'une efficacité redoutable. L'homme n'est pas du genre à se laisser aller à l'esbroufe et mesure chaque note comme chaque mot. On y retrouve la démarche de Billy Gibbons dans ZZ Top, donc. Mieux vaut un solo précis et bien écrit plutôt que de la branlette de manche inepte.
Passé ces deux morceaux implacables, Samson reprend « Red Skies », une vieille scie de scène avec Bruce Dickinson jamais parue sur disque. Il y a cet arpège de départ, et puis ce riff qui donne du courage. Et puis il y a encore la voix de Moore. Ce titre devient une ballade heavy-blues presque irlandaise. Comme une claque dans le dos par un bon copain.Une de perdue.... Ca ira mieux demain.... Bref, ces conneries qui remontent le moral.
Et puis s'enchaînent « I'll Be Round » et « Test Of Time ». Deux belles chansons d'amour toutes simples aux textes matures d'homme meurtris. Il ne s'agit plus de saisir de la petite pépée, mais bien d'être présent pour cette femme que l'on aimera pour toujours. Ce truc que je ressens depuis peu...
Reste l'envie de prendre le large, et «Life On The Run » en est la bande-son. Poussée par la basse de Aylmer et la batterie carrée de Jupp, sur une rythmique galopante comme un cheval fou, on se prend à appuyer sur l'accélérateur pour retrouver l'être aimé. Enfin, sentir son cœur s'emballer pour une jeune femme, trouver les réponses à des années d'incertitude. La bande blanche défile enfin avec espoir. Les mains sur le volant, le solo de Paul Samson attise le feu intérieur. Je me vois déjà, à marcher sur ce bord de mer, loin de tout, main dans la main, riant d'un rien.... Image stéréotypé d'un bonheur que je recherche depuis tant d'années...
Flashback violent..... « Losing My Grip ». Hard-Blues brutal. Personne pour moi..... je perds pied. Ca c'était avant. Pourtant, ce bon vieux boogie vient sonner combien le bonheur actuel n'a de lumière que par le prisme de la douleur passée. Avec ou sans une ex sans compassion, on est seul comme un chien. Et la colère de la voix de Moore doublée du riff redoutable de Samson n'est que le reflet de cette furie intérieure.Il y a bien ce « Na na na » entêtant pour tenter de se donner du courage.
Celui-ci aboutit à ce morceau demandant d'éteindre la lumière, Baby. « Turn Out The Lights » est un boogie fougueux super sexuel mais pas du tout machiste à la vue du contenu précédent. Disons que faire l'amour dans ce contexte n'a plus la même saveur, purement machiste.
Surtout quand aboutit la magnifique ballade « Young Idea », et cette histoire d'une jeune femme désireuse de sortir de son bourbier quotidien. Les arpèges s'emballent en un superbe pont lyrique serti d'un chorus magique.
Les quelques bonus assortis à cet album ne sont pas en reste, à commencer par le magnifique « Running Out Of Time ». Dérangeant Hard-Rock Blues décoché à coups de glissendos, le riff impérial retentit, propulsé par le chant redoutable de Moore. Son intonation implacable, cette fureur vocale... On se sent emporter par cette colère qui celle de l'homme blessé.
« Living Loving Lying » rejoint cette emphase lyrique ressentie avec «Life On The Run ». On sent cet amour dévorant pour ce prochain si beau, forcément.
Ce superbe disque se clôt par une nouvelle version « Riding With The Angels », déjà enregistrée avec Bruce Dickinson sur l'album « Shock Tactics ». Je préfère la version avec Nicky Moore, plus viril, plus brutale, plus Blues. Cette version est tellement bonne que Paul Samson se transcende sur son chorus.
Sur ce riff de SG Gibson qui résonne encore dans ma tête s'ouvre une nouvelle page de ma vie. La fameuse colline a été franchie.La lumière éblouissante était celle de l'Amour. Il me semble discerner sa silhouette à travers la lumière du soleil couchant. Exténué par des mois de douleur, je retrouve enfin espoir. Mes lèvres esquissent enfin un sourire, et je tends ma main vers elle. Je sens ses doigts la saisir, délicatement, avec une immense tendresse. Elle me sourit. Ses yeux verts inondent mon cœur. Je sens son corps contre moi, ses lèvres effleurées les miennes. Je sens qu'enfin mon calvaire prend fin. Je suis un homme nouveau. Je me sens empli d'une immense joie de vivre. Mon cerveau s'ouvre à nouveau à de belles pensées. J'ai envie de pleurer. De joie.
tous droits réservés

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo. J'adore également l'album, pourtant un peu oublié-contreversé.
Merçi pour toute cette littérature sur la NWOBHM et ces groupes géniaux tels HOLOCAUST, WYTCHFYNDE, WITCHFINDER GENERAL, DIAMOND HEAD et les autres... ANGEL WITCH...

Ravé a dit…

Encore un bon album, et encore une belle aventure littéraire! Tu n'es pas le plus productif du pays (et on s'en fout), mais au moins on a un texte qui n'est pas écrit avec les pieds... Ca compte! Continue mon gars, on te suit!
Ravé