mardi 15 décembre 2009

TRUST

"Toute cette pourriture de droite avec son pragmatisme applicable uniquement aux autres, mais surtout pas à eux, avait besoin d’un coup de pompe semblable."

TRUST : « Répression Dans l’Hexagone » enregistrement live 1980

Tiens Trust s'est reformé et fête ses trente ans. J’ai vu cela il y a peu. Hélas, il semble que les petites tambouilles internes et l’arrivée d’un DJ scratcheur, très tendance, viennent anéantir la flamme rock’n’roll du combo, et fasse de ce retour un pet dans l’eau.
Dommage, j’avais une lueur d’espoir. Il semble que Nono et Bernie ne se souviennent plus exactement ce qui fit leur légende commune.
La France giscardienne fut un cauchemar pour nos parents, mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que celle de Sarkozy serait bien pire. Parce qu’il n’y aurait pas de contestation digne de ce nom, à part des discours polis, et des gens qui réfléchissent, prennent « la mesure des évènements », et discutent encore et encore pendant que la violence tant physique que verbale se répand comme le sang dans les caniveaux.
En 1978, le rock’n’roll français se réveille. Après les échecs de quelques avant-gardistes fous (les Variations, Ange, Magma….), quelques groupes énergiques viennent réveiller le cœur des gamins de Navarre. Little Bob Story, Dogs, Starshooter, Bijou, et bien sûr Téléphone, permettent enfin aux petits français d’avoir des idoles proches d’eux, qui parlent comme eux, qui ont les mêmes problèmes.
Pourtant, le discours de ces groupes restent proches de celui des Rolling Stones des débuts : les frustrations d’ado, les soucis de cœur, les virées entre potes…Certes, pour la presse de l’époque, ils avaient enfin la classe et le niveau des groupes anglais, les Jam, les Damned, les Stranglers, tous ces combos punk qui secouent la vieille Albion à grands coups de pompes dans le cul.
La vieille France encravatée des anciens Gaullistes, des Raymond Barre, Giscard, Chirac (déjà !)… toute cette pourriture de droite avec son pragmatisme applicable uniquement aux autres, mais surtout pas à eux, avait besoin d’un coup de pompe semblable.
Mais il ne viendra pas avec le Punk. Bien que l’énergie soit là. Le groupe détonateur, ce sera Trust. Un groupe monté par un ancien technicien de théâtre, Bernard « Bernie » Bonvoisin, et un ancien musicien de Club Med, Norbert « Nono » Krief.
Le quatuor se stabilise avec l’arrivée de Yves « Vivi » Brusco à la basse, et Jeannot Hanela à la batterie. Le combo sort alors deux albums percussifs : « L’Elite » en 1979, et « Repression » en 1980.
Ces deux disques firent l’effet d’une bombe, car là où Téléphone effleure les problèmes, Trust rentre dedans. Tout le monde en prend plein la gueule, avec une efficacité et une précision du verbe détonnante. « Police-Milice », « Préfabriqué », « Antisocial », « Monsieur Comédie », « Bosser Huit Heures », « Le Mitard »… autant de classiques dont le sens n’a hélas pas pris une ride. Nous sommes toujours des esclaves du boulot, nous sommes toujours aussi mal payés et les riches s’enrichissent toujours autant sur notre dos, la police tape toujours aussi dure, et les politiques nous prennent toujours autant pour des cons.
Mais contrairement à aujourd’hui, Trust put exister, malgré de nombreuses critiques et quelques censures.
La musique, elle-aussi, est incroyablement moderne, voire en avance. Car là où les groupes français suivent le mouvement, Trust anticipe. Avec son mélange de punk et de heavy-metal, il annonce dés 1979 les futurs stars britanniques de la NWOBHM, Iron Maiden en tête.
C’est ainsi que le groupe français peut faire l’affiche du festival de Reading en 1981 sans rougir, et faire un carton, vexant la vedette, le groupe Gillan.
Fort du succès du titre « Antisocial », trust se lance sur la route pour une tournée monstre en France. Quelques dates furent annulées, pour cause de politiciens véreux locaux. Mais l’ensemble fut un succès. Il fallut pourtant attendre que Bernie plonge dans les archives en 1992 pour sortir ces bandes.
On peut regretter que ce live arrive un peu tard, mais force est de constater que de disque est un condensé sidérant de révolte et de rage rock’n’roll.
La musique prend ici une puissance vertigineuse. Il y a bien sûr Vivi et Nono, mais également Moho Schemlek à la seconde guitare, plus un batteur britannique, Kevin Morris (les batteurs resteront le gros problème de Trust).
Le désormais quintet percute, tape, mord. Mais ce qui fait également la différence, c’est la voix de Bernie. Là où la plupart des groupes de metal disposent de vocalistes au chant aigu et virtuose, Bernie aboie, gueule, éructe, crache de sa voix profonde et puissante des paroles violentes et pertinentes.
Alors bien sûr, les « Bosser Huit Heures », « Préfabriqué », « Antisocial », « Police-Milice », prennent ici un sens tout particulier. Nono et Moho en rajoute en électricité rageuse, enluminant les mélodies de riffs assassins et de chorus acides.
Il y a également ces deux reprises d’AC/DC, les grands copains, rencontrés à Londres un an avant la mort de Bon Scott, à qui Trust dédiera l’album « Repression » et le titre « Ton Dernier Acte ».
Après ce disque, le combo publie le magnifique « Marche Ou Crève ». Son heavy-metal se fait plus fin, mais reste excellent. La tournée qui suit sera pourtant le premier faux-pas. Le groupe a alors le choix entre un gigantesque tournée française, ou une tournée américaine en première partie d’AC/DC. Les musiciens vont alors se déchirer sur la décision à prendre, et resteront finalement en France.
Cette erreur stoppera nette la dynamique créatrice et l’unité de Trust, qui va alors s’éparpiller. « Trust IV » est un semi-échec, avec ses textes religieux maladroits, et ses mélodies un peu molles.
Prisonniers du carcan rock franco-français, comme tous les autres, le groupe s’enferme dans un rock mélodique flirtant avec la variété. Les années 1984-1985 seront fatales à beaucoup : Bijou, Starshooter, Téléphone, et bien sûr Trust, jettent l’éponge, dans le spandex et le rock FM. L’esprit n’est plus depuis longtemps.
Et ne le sera plus jamais. Parce que les brouilles entre musiciens, l’âge, et l’époque ont balayé les espoirs fous, et l’énergie de ces gaillards-là.
Parce que Nono a trop traîné avec Johnny Hallyday, que Bernie a plongé dans le cynisme, et que le pognon a corrompu la puissance de feu du bulldozer.
Mais à jamais, les textes de Bonvoisin sont d’une cruelle actualité, que le heavy de Nono est toujours aussi percussif et brûlant, et que ces photos de gamins aux cheveux longs et en spandex moulant restent le souvenir d’un gros merde à la société des vieux, et du vrai rock’n’roll.

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3 commentaires:

REBELTRAIN a dit…

tout a fait d' accord avec toi trust n 'est plus le monstre rock n rollien de ses debuts et bernie parle trop pendant les derniers concerts que j ' ai pu voir.par contre il vient de sortir un double dvd de trust dont le deuxieme est le mythique concert du rockpalast avec nico mc brain a la batterie ex et futur batteur de iron maiden.A+ REBELTRAIN

Julien Deléglise a dit…

Tout à fait d'accord. En ce moment, Trust sort pas mal d'archives comme sur son coffret ou son dernier best-of. Ce qui est dommage, c'est que c'est un moyen pour faire acheter le fan. Ca pue un peu le pognon. Mais bon, ce concert au Rockpalast est excellent, qui plus est sur la tournée "Marche Ou Crève", mon disque préféré.

Jean-Michel a dit…

Ah!TRUST, toute ma jeunesse.
OK avec vous deux, rien à ajouter.
Je réécoute de temps en temps et puis le dernier concert à Toulouse, a failli être écourté à cause des sifflets quand le DJ a rappliqué. Z'ont terminé le set, mai sans gloriole, la magie a disparue.