lundi 8 juin 2009

SAMSON

"Un seul homme se souvint de quelques gammes magiques, de douze mesures qui restèrent pour lui l’axe de sa musique. "

SAMSON : « Head On » 1980

Il y eut un important dégât collatéral à la New Wave Of British Heavy-Metal : la mort du Blues. En effet, ce mouvement de renouveau du Heavy-Metal anglais entre 1979 et 1981 marqua la fin du règne du Punk sur les trois années précédentes dans le monde du Rock.
Particulièrement décrié par la critique de bon goût à l’époque (et encore aujourd’hui), comme le Heavy-Metal à sa naissance en 1970 d’ailleurs, ce mouvement remit en avant la guitare, combinant violence, musicalité, et une certaine forme de virtuosité.
La NWOBHM marque pourtant la fin des influences Blues dans le Heavy-Metal et le Hard-Rock, ce terreau fertile qu’elles furent pour Led Zeppelin, Black Sabbath, ou encore UFO ou Thin Lizzy.
Désormais, le Heavy-Metal cherche la puissance héroïque, la décharge de chevrotine plutôt que le poison vicieux des longues jams instrumentales du Zep en 1973.
Ainsi, Iron Maiden, Saxon, Def Leppard, mais encore Diamond Head, Tygers Of Pan-Tang ou Holocaust cherchèrent le riff fatal, le coup de rein chromé qui faisait d’eux les maîtres du monde le temps d’un concert.
Un seul homme se souvint de quelques gammes magiques, de douze mesures qui restèrent pour lui l’axe de sa musique. Paul Samson est déjà un vieux con au sens Punk du terme puisqu’en 1980 il a l’âge canonique de 27 ans. L’homme a trouvé en 1979 le line-up idéal : Paul Aylmer à la basse, Barry Gordon à la batterie dit Thunderstick, et un certain Bruce Bruce au chant, plus connu sous le nom de Bruce Dickinson.
Bien que ce dernier est une voix impressionnante, c’est avant tout un groupe qui brille dans les clubs depuis plusieurs mois. D’abord, il y a le visuel, avec le batteur Thunderstick, homme cagoulé jouant dans une cage (quand il y a la place), et matraquant ses fûts avec la dextérité d’un Billy Cobham sous acide. Et puis il y a l’homme à la Gibson SG, et ses riffs serrés mais mélodiques, et ses chorus bluesy.
Samson tourne depuis 1977, mais il semble que 1980 soit enfin l’année du quatuor. Signés sur RCA, les quatre hommes vont dégainer un disque puissant et sauvage. Sous sa pochette à la fois effrayante et hilarante, montrant un Thunderstick armé d’une hache tel le bourreau de Béthune devenu fou, « Head On » dévoile toutes les qualités d’un groupe enfin à la hauteur de ses ambitions et de son talent.
Démarré par un bon hard-rock des familles, « Hard Times », il décoche sa première flèche fatale : « Take It Like A Man ». Un homme marche incertain, des bouteilles se brisent au sol, la batterie galope à travers les écouteurs. Le riff est serré, Bruce est hargneux, macho.
Mais ce qui brille, c’est le refrain, avec les chœurs doublés de Bruce sur plusieurs octaves, qui offre une bouffée d’air mélodique dans ce torrent de Hard-Metal fou.
Le titre suivant démarre comme une ballade. Glaciale, aérienne mais étouffante, « Vice-Versa » virevolte sur des roulements de toms vicieux, presque tribaux. Le riff s’épaissit, le rythme s’accélère, le chorus résonne, le cœur gonflé de Blues.
« Manwatcher" est un riff vicieux, où brille un refrain vocal qui une fois encore aère la mélodie menaçante du titre. « Hammerhead » est d’ailleurs sur le même principe, mais avec un riff presque boogie.
On peut déplorer quelques titres de facture plus classique comme « Too Close To Rock » ou « Hunted », mais leur efficacité est alors bien rare dans le rock de l’époque (et ne parlons pas de maintenant). Signalons « Thunderburst », instrumentale qui n’est autre que le même qui ouvrira l’album « Killers » de Iron Maiden en 1981 sous le nom de « The Ides Of March ». Paul Samson et Steve Harris avaient en effet composé ce titre ensemble afin de créer un morceau d’ouverture aux concerts qu’ils réalisaient ensemble avec leurs groupes respectifs.
« Take me To Your Leader » est un morceau jouissif, au titre hymniesque, qui voit à nouveau Samson briller dans le hard-rock sauvage et speedé (cette batterie).
Mais le clou, c’est « Walking Out On You ». Démarré par des chants grégoriens passés à l’envers, angoissants comme un film d’horreur, , il s’agit d’une pièce épique, résonnant entre épique et blues. Le chant de Dickinson est magnifique, et il n’égalera que rarement ce mélange de retenue et d’émotion. La section rythmique est implacable, le riff plombé, les chorus superbes. Il est conseillé à la jeune fille de ne plus s’enfuir.
Ce disque marquera à la fois d’une certaine exubérance juvénile, et d’une rudesse sonique, qui sur les albums suivants, marqueront la volonté pour Paul Samson d’orienter sa musique vers un hard-rock bluesy proche de Whitesnake, mais en plus viril et torturé.
« Shock Tactics », pourtant produit par Tony Platt, déçoit par son manque de consistance, et Bruce Bruce se sauve chez Iron Maiden. Bien lui en a pris, car «Before The Storm » est un chef d’œuvre. Samson trouva en Nicky Moore un prodigieux chanteur. Vieux briscard du hard-blues psychédélique, ex-Hackensack et Tiger, sa voix puissante, rauque, et sa présence scénique marqueront un virage définitif dans la carrière de Samson, le groupe. Hélas, en pleine explosion du Hair-Metal US et de la New Wave, le hard-rock bluesy carré et brillant de Samson fut un bide commercial. Mal conseillé, mal supporté, Samson s’enfonça dans l’échec commercial. Pourtant, Paul Samson avait sans doute compris beaucoup de choses musicalement parlant, et le son de sa guitare, unique, reste une influence indirecte pour beaucoup de groupes modernes cherchant un peu de contenance.


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3 commentaires:

Anonyme a dit…

merci encore de nous faire découvrir des annecdotes et surtout des phots d'époque sur le groupe...
C'est un vrai travail d'historien que tu fais là!
Continue!

Julien Deléglise a dit…

Merci à toi pour ces compliments. Mon but est bien évidemment de vous faire découvrir des disques et des groupes, mais aussi vous offrir l'aspect visuel de ces groupes, que ce soit en studio ou sur scène. Il faut bien savoir que les meilleurs groupes sont ceux qui avaient du charisme sur ces deux plans, c'est cela, la formule magique.

Anonyme a dit…

Hello,

Après l'article sur les Tygers, c'est avec plaisir que je parcours ton blog et il me faut une fois encore te remercier, cette fois pour cette chronique de Samson.

Non pas tant pour l'objet principal de cette dernière, à savoir un "Head on" que je ne parviens décidément pas à apprécier, la faute à plein de petites choses, telles la voix de Dickinson qui ne m'a jamais accroché, cette prod qui tire dans des aigus assez désagréables en ce qui me concerne et des compos qui ne me convainquent pas. Rien à faire.

En revanche, je te suis grandement reconnaissant de m'avoir fait découvrir "Before the Storm". Qui lui bénéficie d'un son à la fois chaleureux et accrocheur et de morceaux pour la plupart inspirés - ceux qui le sont un peu moins étant transcendés par le chant coverdalien en diable de Nicky Moore (c'est un compliment).

J'apprécie particulièrement la capacité de Samson à varier les tempos et les ambiances, sans compter un vrai feeling dans son jeu de guitare, autant d'atouts pas si fréquents au sein de la NWOBHM et qui aurait dû le faire entrer dans le cercle tellement restreint des "survivants" (Maiden, Def Lep, Saxon et, euh, ben c'est tout).

On peut quand même s'étonner que l'album débute par le certes sympathique "Danger Zone", là où le single parfait "Life on the Run" aurait été tout indiqué...

Et puis la pochette, outre sa relative hideur, ne me semble pas franchement en adéquation avec le contenu du disque.

Encore un groupe de la NWOBHM visiblement bien mal conseillé, le parallèle avec Angelwitch et son management défaillant m'a frappé.

Beau gâchis au vu des compétences du bonhomme, même si le virage hard-bluesy incarné par son nouveau chanteur a dû dérouter ses quelques fans de l'époque, je suppose. Il n'y a qu'à visionner la tordante vidéo de "Red Skies" pour se convaincre que Samson n'avait pas tous les atouts en main pour s'imposer (Moore chante très bien, mais alors question charisme, oula).

Merci encore.

Oyax

(petite précision : la réédition CD avec titres bonus est quasiment introuvable, et dans le cas contraire à des tarifs prohibitifs. Et tous les titres de l'album n'ont pas été "streamés", visiblement. Tristesse.)