"Bien que l’entrain et la passion soient encore là, Le son est rêche, sans concession. "

STAN WEBB’S CHICKEN SHACK : « That's The Way We Are » 1979
En 1979, on écoutait pas cela. On aimait les Stranglers, Cure, AC/DC, Motorhead, Judas Priest, Blondie, ou encore Téléphone, mais certainement pas Chicken Shack.
Ou plutôt, Stan Webb’s Chicken Shack. Car la grande différence depuis les années Blue Horizon des années 60, c’est que Stan Webb est resté le seul maître à bord depuis 1971.
Un temps dissous le temps d’une incartade dans Savoy Brown puis dans Broken Glass, Webb se retrouve seul en pleine période Punk.
Comme Tony MacPhee et ses Groundhogs, Stray, ou Savoy Brown, tous ces groupes heavy-blues issus du British-Blues Boom et ayant survécu au gré des années 70 finissent, à à peine 30 ans, par devenir des losers que personne ne veut en concert.
Et malgré le fait qu’ils distillent toujours l’un des Rock les plus excitants et authentiques qui soit, bien loin des écarts soul ou disco des Stones, leur pedigree et leurs talents instrumentaux n’ont plus de place parmi les étroits du manche que sont les Ramones ou les Sex Pistols.

L’album remporte un petit succès, notamment en Allemagne, ce qui permet à Webb de remettre le couvert fin 1978. Mais de manière plus confidentielle, puisque ce nouveau disque ne paraîtra que sur un obscur label allemand du nom de Shark.
Steve York est à la basse, Ed Spevock à la batterie, Robbie Blunt à la guitare, et Dave Wintrop au saxophone. Pour couronner le côté encore plus sombre de l’affaire, l’enregistrement s’effectuera à Nuremberg, ville hautement réjouissante d’Allemagne de l’Ouest, à l’époque, brillant par son architecture nazie.

Selon les dires de Webb, cet album aurait été entre guillemets commandé. En effet, la maison de disques aurait plus ou moins implicitement exigé de Webb un disque plutôt Blues-Rock anglais, à l’accès assez facile, afin d’en vendre un maximum.
On peut s’interroger sur l’utilité d’une telle commande, étant donné que Chicken Shack n’est assurément pas en 1979 la meilleure machine à cash, même pour un petit label. Ceci étant, il semble que chez Shark, on espéra beaucoup d’un nouveau disque de Chicken Shack. Furent-ils satisfait du résultat ? Webb, assurément, pas vraiment, au point de bouder réellement ce disque.
C’est une erreur. Car Stan Webb n’a jamais été aussi bon que dans cette fusion magique de Rock et de Blues, durcissant la mélodie, lui apportant des couleurs pop dans un contexte hautement Blues. Et les grandes réussites furent de mise : « Imagination Lady » en 1972, « Go Live » en 1974, ou « Broken Glass » en 1975.

Etrangement les guitares sont plutôt acérées, donnant un mordant à cet album que l’on pourrait plutôt classer dans les Beautiful Losers type Fandango.
Le malaise débute donc par une des plus belles chansons de Chicken Shack : « The End ». Rude de commencer un disque par un morceau du nom de « The End », surtout si on a encore en tête le morceau des Doors.



« You’ll Be Mine » débute comme une heavy-song de Montrose. Et puis le riff tarabiscoté rappelle que l’on est en 1979. Il ne faut pas écouter ce morceau un soir de cuite. Une demi-bouteille de whisky ne vous donnerait pas ce type de vertige. Rythmique fracassée, riffs incongrus, on est tout simplement proche du Budgie des trois premiers albums. Le solo vous rappelle néanmoins combien Webb est un sacré musicien, et Tony Bourge de Budgie lui a justement piqué quelques plans.
Une petite pause country-blues s’impose avec « Sillyness ». Il s’agit d’une douceur fantastique, car elle est une démonstration brillante du talent de slide-guitariste de Stan Webb, chose qui s’avèrera assez rare. On est proche du « I Can’t Be Satisfied » de Muddy Waters.

« Rich Man’s Blues » est un retour au country-blues entraînant. Jouissif, simple, il est une pépite de lumière dans un diamant noir. Le riff épais du refrain vient néanmoins rappeler que le paysage est au pétrole.
On peut alors s’attendre à tout. Même à une étrange fusion entre le « Walk On The Wild Side » de Lou Reed et « Black Magic Woman » de Peter Green’s Fleetwood Mac. Cela s’appelle « Emily » et c’est assez déconcertant. C’est aussi et surtout beau et brillant.
Cela brille déjà moins avec « Let Me Love » et un retour à un boogie épais et orageux. Webb hurle à la Lune, et c’est fabuleux. Les chorus de ce dernier sont sublimes, simples, percutants, rugueux.
S’en suit un Blues ravageur du nom de « Shake Your Money Maker ». Fleetwood Mac l’avait déjà déniaisé sur son premier album de 1967 avec Jeremy Spencer à la slide. Webb souffle le feu de cette bonne vieille version anglaise, mais avec la hargne typiquement Rock anglais de l’époque. Le chorus en est la preuve parfaite. Le solo de sax de Wintrop est brillant et donne un peu de cœur à l’ouvrage à l’auditeur imprudent.
Assurément un bon disque, mes amis, vous ne le saurez qu’en ayant touché réellement le fond.
