dimanche 26 mars 2017

JAMES GANG 1974

"Miami a une beauté vénéneuse, une mélancolie rampante qui grouille dans son ventre."

JAMES GANG : Miami 1974

Les feuilles des palmiers plient sous le vent venant de l'Océan. La lumière est blanche, éclatante, illuminant la Floride. Le bleu du ciel, le vert franc de la végétation, et le jaune du sable de la plage irradie le regard. Les maisons de la cité se parent de milles couleurs, inspiration hispanique venue de Cuba, à quelques encablures de la côte. Le soleil et le sel de la mer revigorent les organismes, donnent force et bonne humeur. Miami n'est pas une ville toujours rose, parfait reflet de cette société américaine socialement inégalitaire. D'un côté les riches dans les villas du bord de mer et le long des canaux du port, de l'autre, les pauvres entassés dans les quartiers glauques, les bas-fonds où pourtant tout se passe. Et puis au-delà de la grande cité, il y a le Sud profond, Jacksonville, les terres de Blackfoot, des Outlaws… ces bouseux gavés de Rock'N'Roll, de Blues, de Soul et de Country. Ce son aussi rude qu'ensoleillé est porté par le sextet Lynyrd Skynyrd, lui aussi de Jacksonville. C'est tout le contraste de la Floride, entre soleil réconfortant et brûlure de l'âme.

Le James Gang est un groupe fondé en 1966 par l'ancien batteur des Outsiders, Jim Fox. Ils sont originaires de Cleveland, de l'autre côté des Etats-Unis. James Gang va devenir l'un des meilleurs groupes du pays grâce à l'arrivée du guitariste-chanteur Joe Walsh en 1968. Ils deviennent également un trio, le brio du nouveau venu étant tel qu'il n'est finalement pas nécessaire de remplacer les musiciens qui quittent le navire les uns après les autres, démissionnant devant la tournure réellement sérieuse que prend la carrière du groupe. En 1968, James Gang décroche la première partie de la dernière tournée US de Cream. Leur premier album, Yer Album, paraît en 1969. Joe Walsh, principal compositeur, définit musicalement le James Gang. Il s'agit d'un Blues-Rock à tendance Hard, mais non dénué de mélodie et de finesse. James Walsh y met beaucoup de lui-même , apportant tout ce qui va faire aussi la saveur de ses premiers albums solo. Son jeu de guitare lumineux, enrichi de psychédélisme et doté d'un lyrisme rare, va en faire une célébrité auprès des meilleurs musiciens de l'époque ; Pete Townshend des Who, Peter Green de Fleetwood Mac, Eric Clapton vantent tous les mérites de ce jeune guitariste brillant et inspiré.

Les disques suivants, Rides Again, Thirds et Live In Concert, sont tous publiés entre 1970 et 1971. James Gang jouent avec les Who, Humble Pie, Grand Funk Railroad, les Kinks, Led Zeppelin…. Leur réputation est des plus flatteuses, et rien ne semblent pouvoir les empêcher d'en faire un groupe majeur du début des années 70. Seulement voilà, Joe Walsh fatigue ; devant composer, assurer la guitare, le chant, ainsi que le jeu de scène essentiel en concert, il finit par s'épuiser. A bout de nerfs, il quitte le James Gang en décembre 1971 aux portes de la gloire, et part se réfugier dans les montagnes du Colorado pour monter un projet solo : Barnstorm.

Littéralement décapité, le trio doit choisir : se séparer ou continuer. Jim Fox étant le fondateur du groupe, il décide qu'il lui revient la tâche de poursuivre malgré tout. Et la réputation en or de James Gang ne peut être abandonnée sur le bord de la route sans avoir tenté de rebondir et de continuer afin d'espérer en tirer profit.

Jim Fox, secondé du bassiste Dale Peters, arrivé en 1970, démantèle le groupe canadien Bush, auteur d'un unique album, afin d'en récupérer le chanteur Roy Kenner et le guitariste Domenic Troiano. Deux nouveaux albums voient le jour en 1972 : Straight Shooter et Passin' Thru. Bien qu'agréables et dans la lignée des disques précédents, ils n'arrivent pas à réanimer la magie inhérente à la présence de Joe Walsh. Les ventes commencent à s'éroder, et l'ambiance se ternit. Le guitariste Domenic Troiano n'a selon Fox pas le niveau escompté pour prendre la relève du brillant Joe Walsh. Troiano quittera le navire début 1973, laissant le James Gang au bord de la rupture. Il rejoindra les canadiens de Guess Who.

C'est Walsh, sans doute un peu gêné d'avoir laissé son premier trio en plan aux portes du succès, qui va conseiller à Fox et Peters un jeune guitariste brillant : un certain Tommy Bolin. Ce dernier n'a que vingt-deux ans, mais a déjà une réputation des plus flatteuses. Il joue dans les clubs des compositions solo mêlant Hard-Rock et Jazz, connaît tout les meilleurs musiciens grâce à ses participations à de nombreuses sessions studio. C'est lui que l'on retrouvera sur le premier album du batteur Billy Cobham au sortir du Mahavishnu Orchestra : Spectrum en 1973. Mais Tommy Bolin s'ennuie, il aimerait bien rejoindre un vrai groupe afin de connaître la vie sur la route et se faire un nom en tant que musicien de scène ainsi que comme compositeur. Il est donc le parfait candidat pour le James Gang. Une petite audition suffira pour qu'il intègre le quartet, et entre avec eux en studio dans les semaines qui viennent.

Il s'impose rapidement comme une source intarissable de compositions, apportant un souffle de créativité et d'énergie donc le James Gang manquait depuis un an. La synergie se fait, et le nouvel album paru en septembre, Bang, retrouve le niveau de qualité établit par Joe Walsh sur les trois premiers albums. Plus surprenant, il réussit à retrouver le souffle épique de Walsh, tout en apportant sa sonorité propre.

Le succès commercial est également de retour. Même si le James Gang n'a jamais connu les cimes des classements, il place le simple « Must Be Love » à la 54ème place des meilleurs ventes aux Etats-Unis, sa meilleure place à ce jour. Tous les espoirs sont à nouveau permis, et après une tournée du pays, James Gang retrouve le studio en 1974. Le nouvel album, Miami, avec sa pochette noire ornée d'un flamand rose, paraît en juillet.

Même si Bang mérite largement quelques lignes d'appréciation, j'ai une tendresse particulière pour Miami. C'est un album fin, subtil, doté de merveilleuses chansons dont l'âme me fait autant voyager que la musique de Joe Walsh, ce qui n'est pas un mince exploit. Miami a une beauté vénéneuse, une mélancolie rampante qui grouille dans son ventre. C'est aussi un album de guitares, Tommy Bolin étant omniprésent sans être ni frimeur, ni encombrant. Il est au service des chansons, qui sont de toutes façons celles du guitariste. Bolin est un enlumineur : il brode, dessine, colorie grâce à la bottleneck et les pédales d'effets stéréophoniques qui ne sont que des outils pour composer les atmosphères des chansons. On sent qu'il maîtrise ce qu'il fait, qu'il ne joue pas à l'apprenti-sorcier pour rien. Il est véritablement au service de son groupe, laissant de la place au chant comme à la section rythmique, très présente également. C'est un disque puissant, lumineux, sentant l'air salin et la végétation sous le soleil chaud de l'été.

« Cruisin' Down The Highway » qui ouvre l'album est un appel à la route. Sa couleur Country-Blues, le bottleneck luxuriant, le sustain brillant des notes de guitare, le riff tendu, tout concorde pour partir sur la route et profiter du paysage. Bolin achève le titre en un solo magique, lardé de Boogie frénétique.

« Do It » est une hard-song plus immédiate, efficace, sans compromis. Ca percute d'entrée. Tommy Bolin n'est pas du genre à faire vrombir la saturation grasse. Le son de sa guitare est très électrique, scintillant dans les baffles. Il s'appuie sur la basse épaisse de Dale Peters et les coups de caisses puissants de Fox pour créer un climat Hard-Rock sans tomber dans la facilité Heavy-Blues. Il est évident que l'homme s'est forgé son style dans le milieu du Jazz-Rock, qui en a fait un musicien fin et précis.

« Wildfire » est une bonne chanson un peu heavy, mais sa mélodie n'a pas tout le sel pour convaincre comme ses deux prédécesseurs, et surtout comme celle qui va suivre : « Sleepwalker ». Cette chanson est un bijou, un miracle électrique. La mélodie est poignante, prenant les tripes par sa mélancolie amère. Bolin joue sur les climats : guitare acoustique, chorus de guitare liquide, plaintive, bottleneck poussiéreux et âcre. Roy Kenner, que je n'ai pas encore évoqué, porte ce morceau de sa voix franche mais absolument pas démonstrative. Elle est dotée d'une certaine fragilité qui contribue beaucoup à la beauté de ce splendide morceau. La route, les oiseaux au-dessus de l'océan, les montagnes au loin, la végétation sèche au bord de l'autoroute, le soleil qui se couche à l'horizon dans des reflets rose foncé sur la cité… c'est beaucoup d'images à l'amertume profonde qui se succèdent.

« Miami Two-Step » est un excellent instrumental Country-Blues permettant de faire la transition entre l'âpre « Sleepwalker » et l'audacieux exercice en deux parties : « Praylude/Red Skies ». La première partie, « Praylude » est d'une beauté translucide, apportée par un piano électrique aux notes liquides et par des chorus de guitare délicats. Le climat se fait chaud et boisé, l'ambiance est un Jazz-Rock doux et mélancolique. Et puis « Red Skies » explose en un riff lourd et organique. C'est un puissant Hard-Blues oscillant entre orage et accalmie ensoleillée, courte trêve avant le retour de l'électricité. Tommy Bolin brode milles motifs incandescents sur ce thème aux apparences plutôt convenues. La coda répétitive est soulignée d'une ponctuation aussi fine que géniale.

« Spanish Lover » est une merveilleuse chanson partiellement acoustique interprétée par Tommy Bolin aux guitares comme au chant. Sa voix douce sied parfaitement à cette mélodie portée par le vent, à peine perturbée par quelques pétales de fleurs printanières volant dans l'air tiède. « Summer Breezes » vient justement à pic pour faire souffler le vent de la mer sur ce disque décidément lumineux par bien des manières. C'est une hard-song vigoureuse et à la ligne mélodique enjouée. Tommy Bolin superpose à nouveau guitares électrique et acoustique dans un moelleux tapis de musique scintillante d'humanité.

« Head Above The Water » vient clore ce merveilleux disque de bien belle manière. C'est une mélodie âcre et poussiéreuse, portée par une section rythmique séductrice, avant qu'elle n'enfonce le tempo, associé à un Tommy Bolin faisant retentir un riff électrique du plus belle effet. Wah-Wah, slide, sustain…. La sonorité de sa guitare ressemble à plusieurs reprises à celle du Jeff Beck des années 1968-1973. Les intonations du langage, sa diversité dans l'expression a bien des similitudes qui font de Bolin un juste héritier.


Malgré le brio de Miami, Le James Gang n'arrivera pas à maintenir son fragile succès commercial. Le disque ne laissera aucune trace dans les classements de disques. Aussi, lorsque Deep Purple appellera Tommy Bolin pour remplacer l'irremplaçable Ritchie Blackmore à la guitare en 1975, ce dernier ne réfléchira pas longtemps, malgré le challenge qui s'annonce à lui. James Gang poursuivra sa route encore deux années, dans un anonymat de plus en plus grand. Cette fois-ci, Joe Walsh ne viendra pas à leur secours.

tous droits réservés

samedi 18 mars 2017

DIRE STRAITS 1980

"...Mais j'ai décidé de parler du troisième parce que je l'aime comme un ami. "

DIRE STRAITS : Making Movies 1980

Lorsque j'écoutais Téléphone gamin, mon esprit divaguait toujours en France. Cela peut paraître évident ou idiot, mais les paroles comme la langue française me fixaient indiscutablement dans l'Hexagone. Je partais sur la route en France, j'étais un héros flegmatique en France, je montais sur scène devant des foules immenses en France…. Pourtant, j'avais déjà eu la chance de partir ailleurs : au Pays de Galles, en Espagne, en Allemagne…. Mon imagination connaissait d'autres routes, réservoir d'images également alimenté par les films et séries américaines faisant la part belle aux vastes autoroutes, paysages désertiques et poussiéreux. Mais assurément, Téléphone n'en était pas la bande-son idéale.

Lorsque retentit le riff de « Money For Nothing » de Dire Straits dans mon petit cerveau encore poreux, la gifle est double : je découvre le Rock international et le riff méchant. Quelque chose me dérange pourtant, c'est cette batterie un peu terne, surtout comparée à celle, volubile, de Richard Kolinka. Il y a ce son qui claque, gorgé de Fairlight, tellement années 80. l'album Brothers In Arms sera la porte ouverte sur le monde magique de Dire Straits, dont les quatre premiers albums sont assurément le grand œuvre à tout jamais.

Les deux premiers sont enregistrés dans la configuration originale : Mark Knopfler à la guitare et au chant, son frère David à la guitare rythmique, John Illsey à la basse, et Pick Withers à la batterie. La musique est encore fortement ancrée dans une musique Blues et Folk au sens large, piochant dans JJ Cale, Eric Clapton, Allman Brothers Band, Bob Dylan, Grateful Dead, Chet Atkins, Chuck Berry. C'est un groupe de petits anglais au teint palot et rêvant d'Amérique. Leur musique pioche allégrement dans ces sources musicales essentiellement transatlantiques. Et ils vont rapidement le traverser, l'Océan Atlantique, pour enregistrer et connaître le succès international. D'ailleurs, Mark Knopfler participe comme musicien de session dès 1979 à un album de Bob Dylan, Slow Train Coming, juste reconnaissance de son talent montant.

Le rythme des concerts s'accélère, et le leadership de Mark devient massif, au point que David finira par partir pour mener sa carrière solo paisible, loin des projecteurs. Pour l'heure, à sonn entrée en studio en juillet 1980, Dire Straits est toujours un quatuor, mais avec comme seul maître à bord le guitariste-chanteur. On sentait déjà que, dès le second album, Mark Knopfler avait de l'ambition. Les mélodies se perfectionnent, et s'éloignent doucement du riche bouillon initial qui donna naissance au premier album. Avec ce troisième album, Dire Straits fait un pas de géant au niveau des compositions. Il en écrira seul toutes les chansons.

Mark va développer son talent de conteur magnifique, créant de petites scènes cinématographiques. « Tunnel Of Love » et « Romeo And Juliet » en sont les pièces les plus représentatives, dépassant toutes deux les six minutes. Surtout, elles sont dotées de rebondissements musicaux, changeant de climat, quittant le thème initial pour poser une nouvelle séquence conduisant au final, séquence enluminée de très beaux chorus apportant tout le lyrisme nécessaire pour soutenir l'atmosphère recherchée. Ce travail aboutira sur le disque suivant, Love Over Gold, et notamment sur des morceaux comme « Telegraph Road », atteignant les quinze minutes.

Mark Knopfler est un conteur, et ce depuis le début. Sur le premier disque, son champ d'observation se limite à la citée londonienne, les petits travers de la société : les galeries d'art sur « In The Gallery », une balade en bateau sur « Down On The Waterline ». Il y a pourtant un vrai besoin d'espace : le groupe de Jazz imaginaire de « Sultans Of Swing », et déjà le Grand Ouest sur « Six Blade Knife ». L'album Communiqué ne fera que confirmer cette nécessité d'horizon : « Once Upon A Time In The West », « Follow Me Home »….. Knopfler voyage dans sa tête, et c'est sans doute cette connexion qui s'est faite entre la musique de Dire Straits et moi, même si je ne comprenais pas un traître mot du texte. Mais déjà, la musique en dit beaucoup.

Il faudrait que je vous parle du Country-Blues du premier album, la lumière du soleil couchant à travers les eucalyptus qui illumine le second album, la chevauchée héroïque du quatrième album, mais j'ai décidé de parler du troisième parce que je l'aime comme un ami. Making Movies est un disque au timing compact, et se déroulant en deux temps : les trois premiers titres en forme de récit cinématographique, dotés de rebondissements aussi fins que brillants, et les autres titres, plus compacts, plus directement Rock, basés sur des riffs puissants, plus proches du premier album.

Preuve de l'ambition artistique indéfectible de Mark Knopfler, l'album débute par « Tunnel Of Love », odyssée de plus de huit minutes. Une mélodie à l'orgue suranné laisse la place à un riff tendu. Le groupe fait d'ailleurs pour la première fois appel à un clavier, musicien extérieur du nom de Roy Bittan, rien de moins que le pianiste du E Street Band derrière Bruce Springsteen. On retrouve d'ailleurs dans les atmosphères d'Amérique profonde des similitudes avec l'album de Springsteen qui paraît fin 1979-début 1980 et qui sera double : The River. Knopfler et le Boss partage ce goût pour le peuple oublié de l'Amérique, celui qui se contente de joies modestes et doit affronter les difficultés de la vie. Comme Springsteen, Knopfler chante avec son timbre éraillé d'homme qui en a déjà vu d'autres.

Le thème principal se déforme peu à peu pour annoncer le final, qui rebondit sur un premier chorus aux tonalités presque Funk. Pick Withers abat un magnifique travail à la batterie, faisant courir ses baguettes sur ses caisses avec une précision et une aisance totalement réjouissante. « Tunnel Of Love » est ensuite doté d'un pont délicat en partie centrale, interprétation feutrée du thème précédent, ouvrant sur une chevauchée électrique et dynamique que le groupe fait monter doucement, appuyant peu à peu sur l'accélérateur, comme la route qui s'ouvre devant soi. On est emporté par l'incandescence de la guitare de Knopfler. Il est aussi un conteur par ses six-cordes, ne faisant jamais parler la technique mais toujours le feeling, sélectionnant la note qui apporte l'émotion au bon moment.

« Romeo et Juliet » débute comme un thème Country-Blues joué au dobro. C'est une chanson délicate, douce amère. Elle débute comme une belle romance, lumineuse, aux reflets sépias d'une photo des jours heureux. Puis elle verse peu à peu dans l'amertume et la désillusion, histoire d'amour complexe et contrariée ne pouvant que se terminer dans la douleur. Le thème aérien et lancinant, obsédant, qui clôt le morceau ne se fait que l'écho de la déception se perdant au loin dans la lande, ponctué de quelques notes de guitare âcres.

« Skateaway » est une chanson dynamique, rapide, vive. Porté sur un train d'enfer, funky en diable, Knopfler raconte l'histoire de cette fille, une roller-girl. Elle survit en faisant de petits boulots pas très passionnants, et ne se défoule qu'en patinant à toute vitesse tout en écoutant du Rock'N'Roll pour s'échapper de sa médiocrité quotidienne. La construction du morceau est plus simple, Knopfler déformant le thème, mais conservant le tempo énergique. La coda monte en puissance avant de s'envoler dans les airs comme la roller-girl, au bord de la plage, au soleil couchant, soutenu par les notes liquides et rêveuses de la guitare de Knopfler.

Brutal changement d'ambiance, « Expresso Love » est une violente embardée électrique, porté par un riff méchant, soutenu par le piano de Bittan. Le climat est plus noir, évoquant une prostituée, le rythme harassant de son travail, l'ambiance glauque dans laquelle elle vit, le torrent d'émotions contradictoires qui l'assaille jour après jour. La guitare rugit, rauque, râpeuse. Le solo est une respiration dans cette poussière âcre, à la mélancolie intense.

Petite respiration après cette cascade d'électricité, « Hand In Hand » est une belle ballade dylanienne en diable, soutenue de piano et de guitare acoustique. La mélodie est typique de Dylan, authentiquement imprégnée de ce Folk typiquement américain des années 60. C'est une chanson fière, au refrain enthousiasmant. « Solid Rock » est un retour au Rock le plus dur, le plus âpre. Trois minute trente au compteur de pur adrénaline, juste retour des petits anglais aux pionniers américains : Chuck Berry, Eddie Cochran… Il y a toujours cette teinte americana caractéristique, mais le riff est particulièrement inspiré du Rock américain séculaire, non sans un petit détour par le Creedence Clearwater Revival pour l'électricité et la rudesse musicale. « Solid Rock » servira de final aux concerts de Dire Straits pour les cinq années à venir, parfaite conclusion de show pouvant atteindre plus de deux heures.

« Les Boys » est une chanson hommage aux soldats américains partis en France affrontés les Nazis. Elle a une petite saveur surannée, chanson à la couleur Country-Folk, et dont la mélodie s'inspire des chansons des années 40, sur laquelle Knopfler greffe ses chorus de guitare laidback. Malgré une ligne mélodique efficace, elle reste la chanson la moins inspirée du disque, riche en somptueuses merveilles électriques.


Durant l'enregistrement, en août 1980, David Knopfler ne supporte plus l'omnipotence de son frère sur le disque et décide de claquer la porte. Bien que ses parties de guitare rythmique aient été captées par le producteur Jimmy Lovine, Mark Knopfler les effacera et les ré-enregistrera toutes. Making Movies connaît à nouveau le succès international, bien que Dire Straits n'arrive toujours pas à rééditer l'exploit de la seconde place atteinte par le premier disque dans les ventes d'albums aux USA. Néanmoins, Dire Straits est dans le Top Ten dans toute l'Europe, et classe ce troisième disque dans le Top 20 américain. Il assoit un peu plus sa réputation de grand du Rock à l'aube des années 80, loin des modes musicales du moment, et poursuit sa progression musicale qui va culminer avec le disque suivant : Love Over Gold.

tous droits réservés