jeudi 24 décembre 2009

THE DOOBIE BROTHERS

Préambule : Mes cher(e)s ami(e)s, je ne suis pas pas très présent en ce moment, ce qui explique le délai de plus en plus long entre les articles. Cela devrait rentrer dans l'ordre après les fêtes. Cette période de dinde fourrée (et je ne parle pas de votre belle-soeur) ne me met pas réellement en joie. Je 'ai jamais trop aimé les grande fêtes familiales où l'hypocrisie se renifle à plein nez, et où, malgré les efforts de ceux qui organisent, un pourcentage d'individus non négligeable ne peut s'empêcher de critiquer tout et n'importe quoi. Rajoutons à cela un tapage médiatique de plus en plus gerbant, et une apporche de plus en plus commerciale des choses qui semble vouloir nous obliger à nous gaver comme des oies et à nous réjouir de manière obligatoire.
Sur ces bonnes paroles, je vous souhaite de bonnes fêtes (en particulier pour ceux qui s'entendent bien avec leur belle-soeur), et puis, bien... Keep On Rockin' que diable !

"Car c’est aussi cela dont on rêve en écoutant un bon disque de Rock : un monde meilleur. On désire que les gens qui nous dirigent soient moins médiocres. "

THE DOOBIE BROTHERS : « The Captain And Me » 1973

C’est amusant, mais hier j’ai entendu à la radio, média bien rare dans ma voiture, “Long Train Running”. Je me souviens de cette chanson comme un des immenses chocs musicaux de ma vie. Je crois même qu’il fut l’un de ceux qui me convinrent qu’il y avait un univers immense et magique derrière cette chanson, celui du Rock des années 70.
Je mis plusieurs années à découvrir les auteurs de cette chanson, mais je gardai longtemps la cassette sur laquelle elle se trouvait.
Le nom du groupe trouvé (The Doobie Brothers), je découvris, dans mes vieux Rock’N’Fok achetés sur les brocantes qu’ils étaient respectés en 1975. Ils étaient une sorte de synthèse du Deep South, cette fusion entre blues, funk, soul et rock. Cette synthèse magique, la rock-critic la chercha longtemps.
Je fus souvent déçu par les artistes qui étaient « la synthèse parfaite du Deep South ». Souvent blues d’un chiant à mourir, où alors funk-soul lourdingue, ils n’étaient en aucun cas le reflet de l’image que j’avais dans ma tête : ce groupe magique, rythmiquement parfait, pulsant la vie de leur musique, suant comme des chiens sur les planches des salles US, et faisant retentir les guitares comme des diables.
Hors pour moi, « Long Train Running » était une sorte de petite apothéose de cet esprit, de cet Everest musical tant désiré. J’achetai l’album « The Captain And Me » bien plus tard. Il resta une hantise pour moi, à tel point que je le gardai dans sa cellophane quelques jours, préférant me repaître de Heavy-Metal en terrain connu : Black Sabbath, Motorhead, ou UFO.
Finalement, un dimanche après-midi maussade et sinistre, je déchirai l’emballage, et je mis le disque. Je ne pus me retenir de mettre quatre ou cinq fois « Long Train Running » d’affilé. Puis je partis à la découverte du disque. Et je fus ravi. Rarement un disque ne me procura autant de plaisir, de saveurs aussi riches et variées.
Il est en fait un voyage intense, une traversée des sens et des rêves les plus fous. Il est la musique impeccable des longues virées en Ford Mustang Fastback 1968 que l’on aura jamais, celle où votre être triste et banal devient ce héros ténébreux et solitaire, traversant la vie en laissant chez ceux qu’ils croisent des souvenirs émus. Particulièrement chez la gente féminine qui ne peuvent résister à tant de charisme et de blessures intérieures enfermées dans ce cœur de pierre. Et le soleil couchant n’est déchiré que par des silhouettes chaloupées en talons aiguilles, shorts moulants, mini-jupes et décolletés profonds ondulant lascivement sur le groove des Doobie Brothers. Mais notre héros n’est pas dupe.
Est-cela la puissance de la musique ? Toujours est-il que cet album est une invitation au voyage en paysage urbain, il est cette traversée des Etats-Unis dont l’on rêve. Celle de Starsky et Hutch, Agence Tous Risques, Le Juge Et Le Pilote, toutes ces séries faites de grands espaces, de bagnoles et de loi du plus juste.
Car c’est aussi cela dont on rêve en écoutant un bon disque de Rock : un monde meilleur. On désire que les gens qui nous dirigent soient moins médiocres.
J’ai souvent pensé à tout cela en écoutant « The Captain And Me ». Et c’est encore et toujours pour moi une sorte d’échappatoire à la merde qui m’entoure. Ma Clio du boulot devient une Pontiac Firebird. Je sers les dents, je regarde au loin et je deviens beau et ténébreux.
Les clés du bonheur s’appellent bien sûr « Long Train Running », mais aussi « China Grove », « Without You » et le magnifique « Clear As The Driven Snow ». Cette chanson est un miracle absolu, un mur franchi au-delà de la nullité humaine. Vous voulez savoir ? Cette chanson fait partie de celle que j’aimerais que l’on joue à mon enterrement. Les paroles, son rythme irlandais impromptu est une réussite totale.
Et puis, ne parlons pas de « South City Midnight Lady » qui me réconcilia pêle-mêle avec le rock californien, la country, et l’americana.
C'est chaleureux, c'est à la fois rock en diable, et subtil, fin, alternant de manière presque progressive les genres musicaux avec un naturel confondant.
Au final, ce disque est superbe. Il est un condensé brûlant de ce que la musique américaine apporta de mieux. J'entends ici le funk, le blues, la country, la soul et bien sûr, le rock'n'roll. Depuis, la musique américaine, bon, hein, c'est pas bien glorieux.
La suite le sera d'ailleurs aussi, pas bien glorieuse. A partir de 1976, avec l'arrivée de Michael McDonald, le groupe va s'embourber dans un rock californien mièvre, fait de ballades sirupeuses et de chansons FM. Pas étonnant qu'ils se séparent en 1983. Et sur une note plutôt amère ; Alors qu'ils auraient pu être un antidote aux mammouths commerciaux du hard comme Led Zeppelin, ou du son FM des Eagles ou Fleetwood Mac, en proposant une musique revigorante, ils sont tombés dans le panneau.
Aujourd'hui, les Doobie existent encore, survivant comme de nombreux groupes américains des années 70 avec un ou deux membres originaux qui usent et abusent d'un patronyme commercial.

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mardi 15 décembre 2009

TRUST

"Toute cette pourriture de droite avec son pragmatisme applicable uniquement aux autres, mais surtout pas à eux, avait besoin d’un coup de pompe semblable."

TRUST : « Répression Dans l’Hexagone » enregistrement live 1980

Tiens Trust s'est reformé et fête ses trente ans. J’ai vu cela il y a peu. Hélas, il semble que les petites tambouilles internes et l’arrivée d’un DJ scratcheur, très tendance, viennent anéantir la flamme rock’n’roll du combo, et fasse de ce retour un pet dans l’eau.
Dommage, j’avais une lueur d’espoir. Il semble que Nono et Bernie ne se souviennent plus exactement ce qui fit leur légende commune.
La France giscardienne fut un cauchemar pour nos parents, mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que celle de Sarkozy serait bien pire. Parce qu’il n’y aurait pas de contestation digne de ce nom, à part des discours polis, et des gens qui réfléchissent, prennent « la mesure des évènements », et discutent encore et encore pendant que la violence tant physique que verbale se répand comme le sang dans les caniveaux.
En 1978, le rock’n’roll français se réveille. Après les échecs de quelques avant-gardistes fous (les Variations, Ange, Magma….), quelques groupes énergiques viennent réveiller le cœur des gamins de Navarre. Little Bob Story, Dogs, Starshooter, Bijou, et bien sûr Téléphone, permettent enfin aux petits français d’avoir des idoles proches d’eux, qui parlent comme eux, qui ont les mêmes problèmes.
Pourtant, le discours de ces groupes restent proches de celui des Rolling Stones des débuts : les frustrations d’ado, les soucis de cœur, les virées entre potes…Certes, pour la presse de l’époque, ils avaient enfin la classe et le niveau des groupes anglais, les Jam, les Damned, les Stranglers, tous ces combos punk qui secouent la vieille Albion à grands coups de pompes dans le cul.
La vieille France encravatée des anciens Gaullistes, des Raymond Barre, Giscard, Chirac (déjà !)… toute cette pourriture de droite avec son pragmatisme applicable uniquement aux autres, mais surtout pas à eux, avait besoin d’un coup de pompe semblable.
Mais il ne viendra pas avec le Punk. Bien que l’énergie soit là. Le groupe détonateur, ce sera Trust. Un groupe monté par un ancien technicien de théâtre, Bernard « Bernie » Bonvoisin, et un ancien musicien de Club Med, Norbert « Nono » Krief.
Le quatuor se stabilise avec l’arrivée de Yves « Vivi » Brusco à la basse, et Jeannot Hanela à la batterie. Le combo sort alors deux albums percussifs : « L’Elite » en 1979, et « Repression » en 1980.
Ces deux disques firent l’effet d’une bombe, car là où Téléphone effleure les problèmes, Trust rentre dedans. Tout le monde en prend plein la gueule, avec une efficacité et une précision du verbe détonnante. « Police-Milice », « Préfabriqué », « Antisocial », « Monsieur Comédie », « Bosser Huit Heures », « Le Mitard »… autant de classiques dont le sens n’a hélas pas pris une ride. Nous sommes toujours des esclaves du boulot, nous sommes toujours aussi mal payés et les riches s’enrichissent toujours autant sur notre dos, la police tape toujours aussi dure, et les politiques nous prennent toujours autant pour des cons.
Mais contrairement à aujourd’hui, Trust put exister, malgré de nombreuses critiques et quelques censures.
La musique, elle-aussi, est incroyablement moderne, voire en avance. Car là où les groupes français suivent le mouvement, Trust anticipe. Avec son mélange de punk et de heavy-metal, il annonce dés 1979 les futurs stars britanniques de la NWOBHM, Iron Maiden en tête.
C’est ainsi que le groupe français peut faire l’affiche du festival de Reading en 1981 sans rougir, et faire un carton, vexant la vedette, le groupe Gillan.
Fort du succès du titre « Antisocial », trust se lance sur la route pour une tournée monstre en France. Quelques dates furent annulées, pour cause de politiciens véreux locaux. Mais l’ensemble fut un succès. Il fallut pourtant attendre que Bernie plonge dans les archives en 1992 pour sortir ces bandes.
On peut regretter que ce live arrive un peu tard, mais force est de constater que de disque est un condensé sidérant de révolte et de rage rock’n’roll.
La musique prend ici une puissance vertigineuse. Il y a bien sûr Vivi et Nono, mais également Moho Schemlek à la seconde guitare, plus un batteur britannique, Kevin Morris (les batteurs resteront le gros problème de Trust).
Le désormais quintet percute, tape, mord. Mais ce qui fait également la différence, c’est la voix de Bernie. Là où la plupart des groupes de metal disposent de vocalistes au chant aigu et virtuose, Bernie aboie, gueule, éructe, crache de sa voix profonde et puissante des paroles violentes et pertinentes.
Alors bien sûr, les « Bosser Huit Heures », « Préfabriqué », « Antisocial », « Police-Milice », prennent ici un sens tout particulier. Nono et Moho en rajoute en électricité rageuse, enluminant les mélodies de riffs assassins et de chorus acides.
Il y a également ces deux reprises d’AC/DC, les grands copains, rencontrés à Londres un an avant la mort de Bon Scott, à qui Trust dédiera l’album « Repression » et le titre « Ton Dernier Acte ».
Après ce disque, le combo publie le magnifique « Marche Ou Crève ». Son heavy-metal se fait plus fin, mais reste excellent. La tournée qui suit sera pourtant le premier faux-pas. Le groupe a alors le choix entre un gigantesque tournée française, ou une tournée américaine en première partie d’AC/DC. Les musiciens vont alors se déchirer sur la décision à prendre, et resteront finalement en France.
Cette erreur stoppera nette la dynamique créatrice et l’unité de Trust, qui va alors s’éparpiller. « Trust IV » est un semi-échec, avec ses textes religieux maladroits, et ses mélodies un peu molles.
Prisonniers du carcan rock franco-français, comme tous les autres, le groupe s’enferme dans un rock mélodique flirtant avec la variété. Les années 1984-1985 seront fatales à beaucoup : Bijou, Starshooter, Téléphone, et bien sûr Trust, jettent l’éponge, dans le spandex et le rock FM. L’esprit n’est plus depuis longtemps.
Et ne le sera plus jamais. Parce que les brouilles entre musiciens, l’âge, et l’époque ont balayé les espoirs fous, et l’énergie de ces gaillards-là.
Parce que Nono a trop traîné avec Johnny Hallyday, que Bernie a plongé dans le cynisme, et que le pognon a corrompu la puissance de feu du bulldozer.
Mais à jamais, les textes de Bonvoisin sont d’une cruelle actualité, que le heavy de Nono est toujours aussi percussif et brûlant, et que ces photos de gamins aux cheveux longs et en spandex moulant restent le souvenir d’un gros merde à la société des vieux, et du vrai rock’n’roll.

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vendredi 11 décembre 2009

NEBULA

"Nebula, c’est un heavy-rock redoutable, brûlant, vous emportant au-delà de votre univers étriqué et réglementaire."

NEBULA : « Peel Sessions » 2008

Commençons cette première étape du nouveau Rock par un groupe pas vraiment récent. Pourtant Nebula est un chaînon essentiel de la musique Rock moderne et de qualité. Son fondateur, Eddie Glass, ancien guitariste des greasers de Fu Manchu, décide de fonder avec le batteur Ruben Romano son trio de Stoner-Rock, comme on l’appelle à l’époque, c’est-à-dire en 1997. « Let It Burn » paraît, puis, bien d’autres disques, mais la production Stoner est alors telle que je me perd, et d’autres horizons purement 70’s m’attirent davantage.
Nos routes se recroisent récemment, pour la sortie de ce disque. Bien que puissant, heavy et inspiré, Nebula ne manquait pas de défaut. D’abord, il y a la voix un peu traînante de Glass, pas toujours fascinante, et ces riffs sabbathiens pas toujours bien recyclés.
Le vrai avantage de ces Peel Sessions, c’est quelles montrent le groupe dans un contexte live propre, avec un seul objectif, séduire les auditeurs de la BBC, mais aussi et surtout John Peel, vénérable institution Rock anglaise, qui passa sa vie à enregistrer et diffuser les plus grands. Mais surtout, il fut l’un des seuls grandes personnalités des médias musicaux à défendre le Heavy-Rock psychédélique dans les 70’s qui donna naissance au Doom, puis le Stoner, dont il était un fan inconditionnel.
Nebula était l’un de ses protégés, pour leurs incroyables capacités en live, évidentes ici. Ce disque n’est donc pas un simple enregistrement public, mais une révélation. C’est celle du talent d’un groupe formidable, mis en difficulté par les changements de line-up, mais dont la flamme ne s’éteint jamais.
Ainsi les bandes s’étalent entre 2001 et 2004. Elles sont toutes de qualité et d’une incroyable homogénéité.
Nebula est un groupe de Stoner, c’est-à-dire que sa musique prend racine dans Mountain, Blue Cheer, Pentagram, Sir Lord Baltimore, Pink Floyd période 1968-1972, The Who, Pink Fairies et une myriade de groupes heavy-psyché. Pour vraiment résumer, le Stoner est avant tout un retour aux vrais bases du Rock. Il est une extension redoutable d’une musique à la fois populaire et élitiste par les formations dont il se réclame descendant. Pourtant, il en est le parfait exemple de la vraie bonne digestion – inspiration.
Mais les noms des groupes précédemment cités n’intéressent que les amateurs, et en l’an 2000, tout cela sent le renfermé. Il y a bien quelques images d’Epinal, comme les Beatles, les Rolling Stones, Lou Reed, Iggy Pop… Mais le vrai souci, c’est que le Stoner régurgite ses influences avec la même hargne qu’en 1971, mais avec le matériel moderne.
C’est-à-dire de manière totalement incorrect. Il faut alors couronner le tout d’une imagerie faite de bagnoles 70s, de filles chaudes et allumées, de drogues douces, et de comics délurés. En gros, un total irrespect de la morale et de l’ordre établie.
Vous voulez une image ? Bon alors, laissez-vous poussez les cheveux, la barbe et les rouflaquettes, sautez dans un jean et des tennis, et prenez le volant d’un Chevrolet Camaro 1971 avec son V8 6 litres, et lancez-vous sur une autoroute à 160 km/h. Au bord d’une route déserte, dans un canyon, vous prenez en auto-stop une petite brune de 20 ans. Elle a un short en jean coupé ras la salle de jeu. Elle a des talons aiguilles et un décolleté vertigineux, d’où sortent ses seins gonflés de désir, fermes et humides. Elle est belle, sauvage.
Elle monte dans la Camaro. Elle est désinvolte. Elle est brûlante, mais vous n’êtes pas dupe. Peu importe cette petite coquine qui se dandine sur le skaï à côté de vous, cherchant dans son sac sur la banquette arrière on ne sait quoi, et vous collant ses fesses bombées sous le nez.
De toute façon, vous préférez la route et le rock’n’roll. Bon, elle vous trouve mystérieux, séduisant. Votre côté loup solitaire, et votre belle bagnole lui font un effet redoutable. Et finalement, l’avantage de la Camaro 1971, c’est que la banquette arrière est spacieuse…
Bref, Nebula, c’est un heavy-rock redoutable, brûlant, vous emportant au-delà de votre univers étriqué et réglementaire. Vous brûlez de la gomme, collez une main aux fesses de la jolie secrétaire de direction qui vous prend pour un tocard, et dites merde pêle-mêle à votre chef, votre belle-mère, ou votre femme qui vous fais chier à vouloir aller chez IKEA un dimanche.
Eddie Glass est un prodigieux guitariste, au son inimitable, gras, épais, entre fuzz, décharges de wah-wah, et distorsion foudroyante. Le sommet impeccable reste cet incroyable version de « So It Goes », allumant sur les bords un autre groupe prodigieux, High On Fire.
C’est aussi et surtout l’occasion d’écouter ce groupe exceptionnel dans le contexte de la scène où il excelle, mais avec une prise de son impeccable.
Enfin, Nebula est un précurseur et un pilier essentiel de la scène Stoner-Rock, qui malgré les années, ne perdit jamais ni son identité, ni sa folie créatrice.

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