lundi 25 mai 2009

TYGERS OF PAN-TANG

" Nous sommes en 1979, et ils le savent, les kids veulent des héros"

TYGERS OF PAN-TANG “Wild Cat” 1980 et « First Kill » 1986

Y a-t-il un rapport entre la Whitley Bay et la fosse aux lions ? Dans la Grande-Bretagne Thatcherienne, une nouvelle génération de chevelus sauvages attend son heure derrière les punks à cheveux courts.
Nous sommes en 1979, et ils le savent, les kids veulent des héros, la guitare en érection et les poses machos en prime. Les punks dénoncent, mais ils n’apportent pas la jouissance de l’invincibilité du groupe de rock sur scène. Les quatre gamins de la Whitley Bay, forts de leurs disques de UFO, Led Zeppelin, Deep Purple et autres Stray et Budgie, décident d’unir leurs envies pour un seul but : faire du rock’n’roll. Jess Cox au chant, Robb Weir à la guitare, Rocky Laws à la basse, et Brian Dick à la batterie répètent dans la cave des parents de Weir pour mettre au point leur son. Celui-ci un subtil alliage des influences citées plus hauts, alliées à une touche un peu sudiste issue de l’écoute prolongée de Blackfoot et ZZ Top.
L’autre grande caractéristique, c’est la voix de Cox : rauque, râpeuse, sauvage, elle est à des années-lumières des hurleurs virtuoses du heavy-metal des années 70. Celle-ci se pose sur des riffs serrés et des chorus de guitare puissants, percutants, brutaux, emballés par une rythmique rapide et véloce, presque speed. Le son s’éloigne des influences blues et progressives des fondateurs du genre heavy-metal que son Led Zeppelin, Deep Purple et Black Sabbath, pour laisser place à des titres plus resserrés, courts et agressifs.
Tiré d’une nouvelle de William Burroughs, le nom Tygers Of Pan-Tang sera celui du groupe. Le quatuor est l’un des précurseurs d’une nouvelle vague de heavy-metal anglais, la NWOBHM, dont les héros seront Iron Maiden, Def Leppard, ou Saxon. Les Tygers, eux, feront partie de ces seconds couteaux magnifiques avec Diamond Head, qui produiront des disques prodigieux, obtiendront des places dans les charts, mais disparaîtront aussi vite qu’ils sont apparus.
Signé en 1980 par la major MCA après quelques singles chez Neat Records, LE label de la NWOBHM, les Tygers sortent leur premier album, « Wild Cat ». Couronné d’une 18ème place dans les charts britanniques, ce disque est un condensé de rock’n’roll à l’heure où celui-ci plonge dans les synthés et le hard-fm. Ce succès est le fruit de deux ans de tournées dans tous les clubs possibles à travers la Grande-Bretagne. Sans répit le groupe a tourné, se cognant avec les punks et les skins.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le heavy des Tygers est celui de la rue, rageur, sauvage, sans concession. Il faut avoir écouter « Burnin’ Up » une fois dans sa vie pour comprendre tout l’aspect revanchard et tête brûlée de leur musique.
Cox partira en 1980, peu de temps après l’arrivée de John Sykes, futur Thin Lizzy et Whitesnake, pour se consacrer à une hypothétique carrière solo. Le son des Tygers deviendra plus raffiné et mélodique, avec l’arrivée de Jon Deverill au chant. Certains diront même plus conventionnel, se rapprochant des standards métal de l’époque, duels de gratte et chant lyrique à l’appui.
En 1986, une compilation du nom de « First Kill » paraît. Regroupant les premières démos du groupe, elle donne un bon aperçu de ce côté brut du premier quatuor, cette incroyable tripe qui carbonisa les oreilles des kids de la Whitley Bay. Depuis, Robb Weir, court après son passé, en vain.
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mardi 19 mai 2009

THE GUN CLUB

"L’incantation diabolique résonne encore au loin, se dissipant dans les cendres encore fumantes de l’autel. "

THE GUN CLUB : « Fire Of Love » 1981

Allergique aux titres de plus de trois minutes, le Punk a souvent rejeté le Blues. Assimilé à ces longues jams de guitare de 10 minutes, aux rythmes lents et lourdaux, fruit des clichés véhiculés par les dinosaures du Rock des années 70, de Led Zeppelin aux Rolling Stones, Eric Clapton, et en fait la plupart des musiciens issus du British Blues Boom de la fin des années 60.
Alors le Punk-Rock, symbole d’urgence et de révolte, reflet de la colère des jeunes blancs des banlieues-dortoirs, préfère les riffs de guitare simples et plombés aux prétendues lamentations de ces vieux noirs dans leurs champs de coton.
C’était se méprendre sur le Blues, et l’étendue de sa richesse musicale. Et un seul groupe le comprit : The Gun Club.
Influencé par les groupes Punk New-Yorkais, Television et Talking Heads en premiers, mais aussi par le Blues tribal de Screaming Jay Hawkins et Doctor John, ainsi que par Robert Johnson, la musique de Gun Club se révélera être l’une des plus intéressantes mixtures musicales du début des années 80.
Comprenant que le Blues contient également des chansons de trois minutes, des riffs simples, et des textes sombres reflet d’une misère somme toute universelle et intemporelle, Jeffrey Lee Pierce, le leader du groupe, laisse tomber la distorsion, et déchire ses chansons de grands coups de bottleneck.
Dés « Sex Beat », au rythme sauvage comme une messe Vaudou, Jeffrey Lee Pierce et Ward Dotson décochent des riffs garages. La voix de Pierce déclame un texte vicieux mélangeant sexe et magie noire.
Puis, possédés par le Malin, les quatre jouent « Preachin’ Blues » de Robert Johnson sur un rythme effréné. Le bottleneck râpe les cordes et laisse jaillir une coulée acide sur le plancher.
« Promise Me » rappelle les premiers albums du Velvet Underground, mais toujours avec cette slide traînante qui sent la poussière. « She’s Like Heroin To Me » et « For The Love Of Ivy » sont davantage Rockabilly, et ramènent à Gene Vincent ou Eddy Cochran.
« Fire Spirit » est un titre plus Punk, presque gothique à l’instar de Joy Division, et est le terreau évident de Noir Desir.
« Ghost Of The Highway » revient à un rythme plus Chicago-Blues, alors que « Jack On Fire » ressemble à un bon vieux boogie genre « Roadhouse Blues » des Doors, avec ce quelque chose de spectral, de fantomatique.
« Black Train » se fait plus Country, comme si Buddy Holly était revenu d’entre les Morts pour nous en jouer une dernière, perdu entre deux mondes.
« Cool Drink Of Water » est un bon vieux Blues traîté au sang de poulet Vaudou, hanté et malsain. Cette chanson de Tommy Johnson, à l’origine appelée « Ask For Water, Give Me Gasoline », rappelle ici un bayou moite et grouillant.
Enfin « Goodbye Johnny » rappelle à la fois Television et Dr John, avec son rythme tribal et sa mélodie chaotique appuyée à grands coups de bottleneck et de riffs rageurs.
Et le puis le feu de la cérémonie secrète s’éteint. L’incantation diabolique résonne encore au loin, se dissipant dans les cendres encore fumantes de l’autel. Quatre ombres disparaissent dans la nuit, leurs silhouettes se dessinant dans la lumière de la Lune, au-dessus de la colline. Gun Club tentera par d’autres incantations plus gothiques de converser avec les Morts, jusqu’à ce que Pierce les rejoigne vraiment en 1991. Reste ce disque superbe, véritable relecture Punk du Blues rural.

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mardi 12 mai 2009

AC/DC 1977

"...mettez-vous ce « Let There Be Rock », et vous aurez la définition exacte de ce que devrait toujours être le Rock’N’Roll."

AC/DC « Let There Be Rock » 1977

A l’heure du Punk, cinq australiens sortirent ça. A l’époque, une poche de résistance de hard-rock s’était formée. Pour contrer le rock progressif embourbé dans ses propres extravagances, l’immonde disco, et ce punk bien trop opportuniste, quelques groupes apportent un souffle nouveau aux créations de Led Zeppelin, Black Sabbath et Deep Purple. Ainsi émergent à la fin des années 70, UFO, Judas Priest, Motorhead, Thin Lizzy, et les cinq zozos d’AC/DC.
Ces derniers sont assurément les plus rock’n’roll. Ne jurant que par le rock 50’s et le blues noir de Chicago, les frères Young et le chanteur Bon Scott vont créer un son unique, mixture de ces deux influences, pulvérisées à grands coups d’ampli Marshall 100W.
Je me suis longtemps demandé lequel choisir pour commencer. Il y a bien évidemment « Back In Black », mais le chant de Brian Johnson ne sera jamais celui de Bon Scott. Après la mort de ce dernier, le son du groupe ne sera plus jamais vraiment le même. Il y a alors « Highway To Hell », mais la production est Presque trop propre. Non, franchement, si il en faut un, c’est celui-ci.
Parce que ce disque est produit par le frère Georges Young, et son compagnon Henry Vanda. Parce que le son sur ce disque est roots, tout en étant particulièrement puissant. On entend ici le souffle des amplis entre les morceaux, les « one, two, three… » des musiciens, les accordages d’avant morceaux. Tout est balancé après quelques répèt’, d’une traite.
Et puis il y a bien sûr des classiques : « Bad Boy Boogie », « Let There Be Rock », « Whole Lotta Rosie », ou encore « Problem Child ».
Il y a également cette formidable dualité entre le hard-blues des frères Young, et les textes de baroudeur de Scott, superbes de causticité, d’humour, et de réalisme prolo. Car ce disque sent sous les bras. On a affaire à un disque d’homme, un disque de tête brûlée râpée par la vie.
Il y a évidemment toute cette électricité, ce brio musical qui fait les grands groupes. Il y a cette batterie impeccable de précision (on ne dira jamais assez de bien de Phil Rudd), ce son gras, et ces soli à la limite de la rupture, chauffant à blanc les lampes des rampes de Marshall.
Et c’est justement ce que les punks ne surent jamais faire. Certes, le mouvement apporta une énergie nouvelle au rock, mais le punk ne pouvait persister. Les kids ont besoin de héros, de refrains héroïques, de mélodies, et d’une bonne dose d’adrénaline. AC/DC sut offrir tout ça, mais avec beaucoup d’humour.
On ne peut en effet totalement prendre au sérieux Angus Young, et son costume d’écolier. Si son jeu est celui des plus grands, on est loin des vestes en cuir clouté de Glenn Tipton et KK Downing du Priest, ou des boots à talons et des belles gueules de Scott Gorham et Brian Robertson de Lizzy.
Parce que les mecs d’AC/DC avaient cette touche de petites frappes malicieuses, et cette folle envie de s’amuser. Parce qu’ils ont tourné comme des fous, jouant absolument partout (les derniers concerts avec Bon Scott eurent lieu en février 1980 en France, et notamment à … la fête de la Bêtise de Cambrai !), tout cela pour conquérir un par un leurs fans.
Ces fans qui leur resteront fidèles, même quand Bon mourra, et sera remplacé par Brian Johnson (il faut dire que « Back In Black » est un sacré disque).
En attendant, si vous voulez comprendre exactement ce qu’est AC/DC, n’écoutez pas le live à Donington, mettez-vous ce « Let There Be Rock », et vous aurez la définition exacte de ce que devrait toujours être le Rock’N’Roll.


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mercredi 6 mai 2009

THE SMALL FACES

"J’aime cette voix. "


THE SMALL FACES “The Decca Anthology 1965-1966”

Tension et Rythm’N’Blues. Les Small Faces furent un sacré groupe. Seul véritablze concurrent des Who dans le style rythm’n’blues mods énervé et trash, ce quartet de Londres préféra la rage soul à l’hymne rock définitif.
Il faut dire que le groupe était bien équipé : un bassiste au jeu lourd et rythmé, Ronnie Lane, un batteur véloce en la personne de Kenney Jones, un clavier toujours dans les bons coups, Ian MacLagan, et l’arme absolue : Steve Marriott.
Marriott fut l’un des meilleurs chanteurs de soul blanche de tous les temps, dans le même camp que les Robert Plant ou Paul Rodgers, mais un cran au-dessus. Doté d’une voix prodigieusement riche, son chant ressemblait à celui d’un loup pris au piège. Hargneux, downtown, furieux, mais toujours soul, il poussa le blues dans ses derniers retranchements, aux confins de la souffrance et de l’hystérie.
Ajouté à cela un jeu de guitare assez approximatif, mais diablement efficace, punk avant l’heure, vous obtenez donc un quartet démoniaque qui explosa tout sur son passage. Mais il y a surtout ces chansons fantastiques, véritables hymnes pop hululant les peines et les joies des kids anglais.
En fait, le répertoire des Faces est partagé entre deux types de morceaux : les pop-songs, genre «Sha-La-La-Lee » ou « All Or Nothing », et les tours de force rythm’n’blues furieux, comme « Come On Children » ou « You Need Lovin’ ». A noter d’ailleurs que la version de ce dernier titre a très certainement la version de Led Zeppelin « Whole Lotta Love », surtout au niveau du chant.
Car lorsque les Small Faces emballe la machine, le riff se fait serré, la basse ronfle, les baguettes roulent sur les toms, et la voix hurle le blues comme un dément. J’aime cette voix. Je crois que le plus beau titre au niveau vocal, c’est l’intense et sulfureux « E Too D », sur lequel Marriott raconte les sensations de la prise d’acide, mimant vocalement les tourbillons cérébraux et le délire qu’il ressent, l’explosion des sens également.
Puis progressivement, la musique des Small Faces va évoluer. Le groupe peaufine ses chansons, et abandonne progressivement le rythm’n’blues sauvage pour une musique pop plus complexe, suivant en cela le mouvement des Beatles, Who et Stones.
Le songwriting de Marriott et Lane brille rapidement avec des chansons comme « All Or Nothing » ou « My Mind’s Eyes ». C’est très bon, et toujours furieusement énergique. Car le groupe n’a pas cédé aux arrangements complexes. Seules les chansons se sont perfectionnées dans l’écriture. Il faudra attendre la période Immediate pour découvrir la facette psychédélique des Faces. Et les albums aussi, car durant toute la période Decca, le groupe ne sortira que des simples ou des maxi, mais aucun vrai album.
Avec le départ chez Immediate, c’est la face sauvage du groupe qui s’en va. C’est aussi son unité qui va progressivement éclater. Marriott va raccrocher son côté blues en formant Humble Pie en 1968, déjà perceptible sur certains titres du mini-opéra « Ogden Nut Gone Flake », largement heavy.
Les trois autres, Lane, Jones, MacLagan, eux-aussi finalement. En devenant les Faces avec l’arrivée de Rod Stewart au chant, et Ron Wood à la guitare, les deux en rupture du Jeff Beck Group, ils vont devenir ce que l’on appelle des sous-Stones. Enfin, ça, c’est ce que l’on dit. Ils vont surtout devenir l’un des meilleurs groupes de blues-rock, l’un des plus sales, l’un des plus sympas aussi.
Et Marriott deviendra un géant avec Humble Pie, le meilleur groupe du monde, et les Small Faces furent le terreau magnifique de tout cela.
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