lundi 30 mars 2009

BLUES AGAIN !


Chers lecteurs et lectrices,

Je tenais à vous informer de la sortie du nouveau numéro de Blues Again ! Je collabore à ce magazine depuis sa création. Le but de cette revue fut de parler de Blues et de tous les courants rattachés, avec une parution nationale à raison d'un numéro par trimestre.

Nous attaquons notre cinquième année d'existence, et malgré des ventes et des échos encourageants, nous avons besoin de soutien.

Nous avons décidé, pour ce numéro 17, de frapper un grand coup. Bien que très ancré dans le Blues, la rédaction, avec mon appui insistant, a décidé de laisser un peu tomber le côté Blues à papa pour s'ouvrir vers des horizons plus larges. Ce fut le cas vec les Rolling Stones, c'est aujourd'hui le cas avec Led Zeppelin.
A l'occasion des 40 ans du "I", nous avons consacré un long article aux débuts du groupe par rapport aux sons de l'époque. Cela s'accompagne d'une saga de la mutation du rock et du blues vers le hard-rock et le heavy-metal sous un angle rafraîchi. Et puis surtout, il y a une interview de Mister Jimmy Page himself, par notre collaborateur féru de jazz. Cela donne une interview touchante et surprenante, où Jimmy inverse les rôles !

Le tout est illustré de photos inédites et rares, car nous ne voulions pas faire un énième numéro sur Led Zeppelin tartinant les mêmes poncifs.
Personnellement, votre serviteur est l'auteur de la merveilleuse saga du hard-rock (8 pages), et un article sur Peter Green comme vous les aimez. Vous découvrirez en bonus mon réel patronyme, qui, vous le constaterez est à la fois le reflet de mes convictions personnels et sonne comme doit toujours le faire le rock'n'roll !




Soyez avec nous, soutenez-nous, faites de la publicité autour de vous, sur vos blogs et sites, nous en avons besoin. merci à tous.
Pour lire des extraits voici le lien du site de Blues Again !

et pour savoir où nous trouver :
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vendredi 27 mars 2009

HOLOCAUST


"Il cherche la violence, l’adrénaline pure, comme son nom l’indique. "

HOLOCAUST « The Nightcomers » 1981

Déjà, le nom vous répugne. Je le sais, vous, amateur de rock’n’roll de bon goût, comment peut-on s’appeler de la sorte, et porter fièrement l’étendard de la rebellion rock sans avoir honte ?
C’est sans doute ce qui fit leur force : l’absence de complexe, envers et contre tous, la force d’assumer une image, un son des plus brutaux, mais incroyablement jouissif. Car voici un disque formidable, l’un des tous meilleurs de tous les temps, et vous ne le savez pas. Il fait partie de mon Top 5 secret, et je n’en ai même pas honte. Et pourtant, même les amateurs de métal sont divisés sur ce disque, entre génie et crétinisme absolu, entre révérence auprès de Metallica et Gamma Ray qui les reprirent, et dédain pour ce quintet trop bête pour être honnête.
Pourtant, Holocaust est l’un des meilleurs groupes de Heavy-Metal anglais du début des années 80, de cette fameuse New Wave Of British Heavy-Metal qui compta en ses rangs Saxon, Def Leppard et Iron Maiden. Disons que Holocaust se range pour moi juste à côté de Diamond Head, c’est-à-dire dans la case des groupes géniaux mais totalement cultes, c’est-à-dire ignorés du grand public.
Fondé par le guitariste John Mortimer en 1977 à Edinburgh en Ecosse, le line-up se stabilisa vers fin 1979 autour de Mortimer avec Ed Dudley à la guitare, Robin Begg à la basse, Gary Lettice au chant, et Paul Collins à la batterie. Le premier simple parut en 1980 avec « Heavy-Metal Mania », chanson ras des pâquerettes mais ultra-efficace qui impose le son Holocaust : des riffs simples, ultra-puissants, un chant gouailleur et un peu faux mais très prolo, une rythmique en béton, et des chorus magiques. Le tout est une question d’atmosphère, et ce premier album, enregistré en une semaine au studio Ebony, est totalement définitif.
Les riffs sont serrés, coupant comme des lames de rasoir, mais respirant le vrai rock à la façon des premiers AC/DC. La voix frondeuse de Lettice pose des paroles voyous parlant pêle-mêle de bagnoles, de filles, de rock’n’roll et de mythologie moyen-âgeuse (le trip de Mortimer).
Chaque titre est définitif, compact. Ici, pas de digression inutile, pas de gras. On est dans le muscle, la chair du heavy-metal. Pourtant, c’est à se demander d’où vient tout cela. Alors que l’époque sort à peine de Black Sabbath, Deep Purple, Rainbow et Led Zeppelin, ce quintet infernal d’arrogance injecte un son punk ultra-compact dans un heavy-metal en pleine effervescence. Certains dirons simplistes, mais cela est trop facile. Car la science du riff est beaucoup plus complexe que l’on ne le pense. AC/DC ou Status Quo n’ont-ils pas usé des riffs ultra-éculés de blues pour en faire des morceaux jouissifs ?
Holocaust en est aussi là,mais un peu au-delà. Il cherche la violence, l’adrénaline pure, comme son nom l’indique. Des références brutales, outrageantes, une formule musicale grossière. En apparence seulement, car il faut découvrir le groove blues derrière « Cryin’ Shame », le chorus chevaleresque et épique en intro de « Heavy-Metal Mania » avant que l’on se prenne de folie à hurler LA phrase : « I’Ve Got Heavy-Metal In My Blood ». Il faut hurler de plaisir sur les séquences impeccables de science heavy-metal que sont « Death Or Glory », « It Don’t Matter To Me » et sa slide diabolique, ou « Pushin’ Around ». Enfin, il faut frissonner sur le magnifique et magique, l’angoissant et décapant « The Nightcomers », longue cavalcade épique qui emmène l’auditeur imprudent dans un enfer malsain. Ce premier disque fondateur reste une pierre angulaire du Heavy-Metal anglais, dont l’influence reste difficile à mesurer.
Le plus drôle, c’est que le groupe avait de quoi enregistrer un second disque impeccable, qui aboutira en 1983 avec le fantastique live « Hot Curry And Wine » en 1983. malheureusement, le quintet a déjà explosé en 1982, carbonisé par trois ans de tournée non-stop. On y découvre alors « Forcedown Breakdown », « Lovin’ Feelin’ Danger » tout en slide blues, et le malsain et trashy avant l’heure « The Small Hours » repris par Metallica, donc. Il reste de Holocaust cet album impeccable, quelques simples fantastiques, et un live tonitruant. Depuis cette découverte, je suis à l’affût du moindre bootleg, qui ne fait que confirmer les qualités indiscibles d’Holocaust, qui, en deux ans, et contre vents et marées, imposant son Heavy-Metal comme la référence du genre, n’en déplaise aux esprits chagrins.
Il existe une vidéo officielle publiée parallèlement au live, nommée " Live from The Raw" et enregistré dans un club d'Edinburgh en 1981 (avec un son et une image moyenne, mais bon), en voici quelques extraits choisis :
No Nonsense/Push It Around : http://www.youtube.com/watch?v=vG4RtOae5f8
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lundi 23 mars 2009

JAMES DEWAR

"Le soir où James Dewar est mort, j’ai pleuré. "

Le Blues n’est pas qu’une musique, c’est aussi une sensation. Celle d’une grande solitude, d’un abandon total. Le Blues, c’est le son des souffrances de la communauté noire américaine chrétienne. C’est aussi celui du désespoir des jeunes Blancs.

J’ai le Blues. Je l’ai en moi parce que je crois que je sais ce que c’est que le Blues des Blancs. Parce que pour moi, le Blues noir ne m’a pas toujours parlé de manière directe. Si j’ai un profond respect pour les humbles Anciens du Mississippi et de Chicago, le Blues Blanc m’a toujours beaucoup plus parlé.

Parce que nous partageons davantage les mêmes souffrances, parce que l’électricité a transfiguré une musique d’abord noire et sombre comme les jours de pluie, je préfère le Blues Blanc. J’aime pourtant énormément Howlin’ Wolf, John Lee Hooker (le seul qui me fait chialer) ou Muddy Waters, mais, comment vous dire, nous ne partageons pas le même monde. Ou plus vraiment.
Je suis un petit rurbain de 1979, ils sont issues de vénérables familles d’ouvriers agricoles du début du 20ème siècle. Ils ont souffert énormément, de la faim, de la misère, du racisme, et du mépris d’une musique jugée païenne (leur plus grand atout). Je n’ai pas connu tout ça.

Mais l’Esprit du Blues m’a touché. Parce que j’ai souffert de galères de la vie, parce que nous ne sommes que des hommes, je les comprend.

Le soir où James Dewar est mort, j’ai pleuré. Oui, la mort de cet illustre inconnu du grand public m’a arraché des larmes. Parce que sa musique me fit, et me fait toujours le même effet.

James est un brave gars. Un petit Blanc Ecossais. Il est né en 1942, il a une vingtaine d’années dans les années soixante. Il aime le Rythm’N’Blues et le Rock’N’Roll Américain comme tous les gamins de son époque. Il en joue dans de petits groupes locaux, où il tient la basse, parce que guitariste, c’est très demandé, et il n’est pas très doué. Alors il gratouille une basse, James.

En 1968, il finit dans un groupe de Blues-Rock du nom de Stone The Crows. Un bon petit groupe, ma foi, avec notamment Maggie Bell, la Janis Joplin Anglaise, qui chanta notamment sur « The Battle Of Evermore » de Led Zeppelin sur le 4 (celui de « Stairway To Heaven »).

James y joue de la basse, le groupe marche pas mal, et il enregistre trois albums splendides avec eux.
Et puis un soir, un certain Robin Trower, guitariste de Procol Harum lui propose de jammer avec lui. Le père Trower est en train de monter son groupe post-Procol Harum. Il en a marre des tournées galères, et de devoir fermer sa gueule lorsqu’il a envie de jouer genre Hendrix ou Cream.

Le groupe en question s’appellera Jude. Il y a, outre James et Robin, Clive Bunker (batteur de Jethro Tull sur « Aqualung »), et Frankie Miller, fabuleux chanteur de Soul-Blues-Folk anglais, dont les albums sont hautement recommandables.

Jude n’enregistre rien, et James joue toujours de la basse, point. Un soir, Frankie se tire, et Clive disparaît dans la nature. James et Robin sont là,seuls, dans le local de répétition, dans le South End, à Londres. Il pleut. Les deux ont bien bu, et Robin triture sa Stratocaster Fender. Il joue un vieux Blues de BB King. James se met alors à chanter. Et puis….
Robin a la chair de poule, il râcle le sapin de sa guitare, et c’est bon tout ça. James a une voix en or. Pas besoin de chercher de chanteur. Il était sous le nez de Robin depuis presque un an.

Reg Isidore complète le groupe à la batterie, un batteur noir au groove soyeux, et les répétitions commencent. Les chansons sont toutes signées Trower/Dewar. James écrit la plupart des textes, tous empreints de ce sentiment d’abandon et de spleen vertigineux. De ce brave garçon sans histoire sort la plus déchirante transcription d’amour perdu et d’âme vide de sens.
La voix de James est profonde et rauque, lyrique et simple comme le bonhomme. Un enregistrement a cappella vous arrache des sanglots des yeux. Mais avec la guitare de Robin…. Là…

Le premier album s’ouvre sur « I Can’t Wait Much Longer ». La guitare étire un long riff overdosé, la batterie, claque vicieusement, et James chante le texte comme une supplique à celle.. à cette chienne qui ne comprend rien…Merde tiens ! Après cette galère, il y a « Daydream », afin de chanter le bonheur tant recherché. En fait, sur ce disque, il est bien question de Blues, mais celui des petits Blancs Occidentaux. La guitare est la synthèse du Blues Noir, et des influences modernes fondamentales : Hendrix et Cream.

Et la voix de James survole le tout avec aisance et classe. James chante sur la guitare de Trower de manière si naturelle… Les paroles évoquent un thème approfondie par la Strato de Robin. A tel point que la voix et la guitare se mêlent sans cesse.

Il y aura pas moins de cinq albums absolument indispensables de cette union : « Twice Removed From Yesterday », « Bridge Of Sighs », « For Earth Below », « Live » et « Long Misty Days ». Sur tous ces albums, il n’y a absolument rien à jeter. Même la reprise de « Sailing » chantée originellement par Rod Stewart est un pur bonheur.

En 1977, Trower décide alors de faire de James LE chanteur à part entière. Il laisse donc tomber la basse à Rusty Allen, un ancien de Sly And The Family Stone, tout comme Bill Lordan, le batteur depuis 1975.

Deux albums très funky, mais pas très réussis, en sorte. Et puis, Robin veut revenir au Blues-Rock brut. « Victims Of The Fury » sort en 1980, et revient au line-up d’origine. L’album est d’une qualité rare, et est enregistré en quelques jours, en live.

Et puis, James est viré. Jack Bruce prend sa place en tant que chanteur-bassiste le temps de deux albums excellents en 1981 et 1982.
Puis il revient le temps de l’album et de la tournée « Back It Up » en 1983. le disque est très Funk-Blues, très 80’s. La vérité restera dans l’ombre, brutale : Dewar est malade, d’une dégénérescence lente de ses muscles et de son système nerveux.

Puis James disparaît. Sa voix s’éteint dans l’Oubli. Il meurt le 16 mai 2002 d’une erreur médicale. C’est aussi la fin de longues années de souffrance, lui qui sut si bien la chanter.
Ses mots, sa voix, se taisent pour toujours. Et retentit alors une des plus belles chansons du Robin Trower Band : « We’Re Long Time Crossing Bridge Of Sighs ». tous droits réservés

jeudi 19 mars 2009

JOHN MARTYN

Préambule : Cet article est dédié à John Martyn, décédé le 29 janvier 2009. J'ai écris ce texte il y a déjà quelque temps, mais force est de constater que ce décès ne fait que renforcer tout le bien que je pense de l'homme et de sa musique.

"On tangue alors dans une atmosphère malsaine, faite de vents et de lumière, de nuages et d’éclairs, qui laisse l’auditeur vidé."

JOHN MARTYN « Solid Air » 1973

Loin du bousin contemplatif et branlatoire de certains songwriters encensés ces derniers temps, le folk anglais des années 60 et 70 offrit de merveilleux artistes. Des musiciens à l’univers riche et rêveur qui sut enluminer une musique seventies parfois noyé dans les arrangements pompeux et les structures alambiquées, rock progressif en tête.
Déjà cité ici bas, le merveilleux Nick Drake, ange céleste qui passa dans l’univers musical comme une comète flamboyante, laissant comme poussières d’étoiles trois magnifiques albums.
Un autre grand monsieur que j’aime citer, c’est John Martyn. Pas le plus évident, car souvent considéré comme le plus … commercial. J’aime bien ce terme quand il n’a aucun sens. Surtout quand on écoute la musique du bonhomme.
Jeune musicien folk ayant été signé par Joe Boyd (comme Drake, d’ailleurs, quel homme de goût) sur le label Island, Martyn produit d’abord un folk acoustique à touche bluesy pas toujours très abouti. On sent le jeune homme se chercher musicalement.
C’est au contact de groupes comme Fairport Convention, ou de musicien comme Drake, dont il est un ami intime, qu’il affine son folk. En fait, Martyn va y injecter une bonne dose d’approche progressive, quelque part entre le premier King Crimson, Pink Floyd et Procol Harum. Sauf que tout est joué à l’acoustique, au piano et à la contrebasse.
Cela donne une musique assez spaciale, fouillée, très introverti. On est véritablement happé par cette atmosphère planante, décalée. On se retrouve dans un univers inconnu, seul, et incroyablement bien.
La voix de Martyn y contribue beaucoup, puissante. Son intonation est marquante, semblant parfois mâcher une partie des mots pour les cacher, ou favoriser la mélodie vocale plutôt que le texte.
« Solid Air » est un sommet. Il y en a d’autre. Mais celui-ci synthétise les formidables qualités de mélodistes et d’instrumentistes de Martyn. Les accords courent, torturés, avant que la voix ne gronde entre les aigus et les graves des textes lourds de sens. Notamment la chanson « Solid Air », dédié à Nick Drake, alors en pleine dépression.
Il y a aussi l’incantatoire et menaçant « I’d Rather Be The Devil », sur laquelle Martyn joue une guitare presque reggae, mâchonnant un texte redoutable et sombre. La version live de la réédition est encore plus terrifiante, la mélodie étant doublée par une guitare électrique. Mais celle de Martyn, acoustique, est à elle-seule un bricolage de génie, l’homme pouvant égrainer des accords acoustiques, puis mettre en action le micro électrique vissé sur le bois.
On tangue alors dans une atmosphère malsaine, faite de vents et de lumière, de nuages et d’éclairs, qui laisse l’auditeur vidé.
Mais à ce jeu-là, Martyn atteint des sommets en live. J’en parle ici, parce qu’aucun album studio n’atteint cette perfection. En 1975, Martyn fut accompagner par Paul Kossoff à la guitare électrique. Il figure sur le coffret de Free, « Songs From Yesterday », une jam monumentale, « Time Spent, Time Away ». Sur presque vingt minutes, Kossoff fait pleurer sa guitare avant de la faire rugir de désespoir, le tout soutenue par la guitare acoustique biscornue de Martyn. Le résultat est beau à pleurer, et résume à elle-seule son esprit : une sorte de voyage intérieur par la musique, fouillant les tréfonds de l’âme humaine. Tout cela pour dire que Martyn prend aux tripes, pour peu que l’on se laisse prendre au jeu. Cela vous laisse un paquet de disques à écouter. Mais privilégier ceux des années 71 à 80, tous indispensables. « Solid Air » ne sera qu’une mise en bouche d’un univers colossal et multiple.

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mercredi 11 mars 2009

DIRE STRAITS

"Jamais un groupe n’aura autant fait corps avec le groove, plongeant tête baissée pour en décocher des soli à la fois émotionnels et vicieux."

DIRE STRAITS : « Angels On A Saturday Night » Live 1978

J’allume ma pipe. Il fait froid. Je prend ma voiture pour partir au travail. D’habitude, je ne fume jamais dés le matin, mais là, une brume intérieure m’appelle. Ce sera encore une journée comme les autres, ni vraiment pourrie, ni vraiment formidable. Ce sera une journée de boulot comme les autres, avec des collègues de bureau cons et mesquins. Ce sera une journée parsemée de coups de fil exaspérants, entre les incapables congénitaux du bureau et les appels de centraux commerciaux bidons à la maison qui ne savent ni parler français, ni qui vous êtes. Pauvres gens, victimes inertes d’un système qui sait réduire des masses à l’état de moutons, jouant sur l’instinct de survie de l’homme.
L’autoroute défile. On est dans la vallée, et lorsque l’on est un touriste, c’est beau. J’ai fini par oublier cet aspect, pour me dire que ce matin, j’ai besoin de rock’n’roll. Mais quelque chose qui soit un retour aux sources. Au blues, au funk, à la country, au rock’n’roll.
Et puis à ma jeunesse. Enfin, à mon enfance, parce que bon, enfin quand même, j’ai 29 ans les filles. Mon premier choc rock fut Telephone en 1984 avec « Un Autre Monde ». le second fut « Brothers In Arms » de Dire Straits. Pour « Money For Nothing » et LE riff, et puis la chanson « Brothers In Arms ». depuis, je n’ai pas changé d’avis. J’avais 6 ans.
Entre temps j’ai acheté leurs albums, en cassettes. Et mon préféré fut à jamais le premier. Quel disque ! Il y avait à la fois ce blues que je ne connaissais pas, et puis ce côté amateur, rugueux, noir comme ces cités de banlieue. Je n’y connaissais rien, à la condition ouvrière et à la grande ville, moi, gamin de la campagne et fils d’enseignants. Mais je savais que ma sœur ne sentait pas les choses comme moi, ma mère n’aimait pas la musique, et mon père était plus jazz et blues (merci papa).
J’avais donc neuf ans, et j’écoutais le premier disque de Dire Straits de 1978, alors que mes copains écoutaient les Musclés et Dorothée. Bon sang, que j’ai aimé « Setting me Up », « Southbound Again », « Sultans Of Swing », « Water Of Love » et puis surtout « In The Gallery ». Ce funk brûlant, ces chorus corrosifs, cette voix rugueuse. Ce côté au-delà des modes. J’ai tellement écouté ce groupe, tout ce qu’il sortit, que depuis 1993, je n’écoute plus rien. Pourtant, je n’aime guère Mark Knopfler en solo. Il m’emmerde. C’est trop country. En 1978, c’était un génie. Jusqu’à, disons, 1982, avec le live « Alchemy », impeccable. Les quatre premiers disques de Dire Straits sont des chef d’œuvre, point. On va pas discuter, parce que vous allez me coller The Cure, The Police, ou U2, mais aucun n’a été foutu d’aligner un disque complet totalement impeccable. Ce sont juste des boîtes à simples. Leurs albums ne sont pas parfaits. Dire Straits, si. Ce sont les Led Zeppelin des 80s niveau écriture. Franchement.

Mais revenons à 1978. Et à cette musique qui ce matin me remue les tripes. Cela fait quelques temps que je découvre des bootlegs d’une qualité formidable. C’est donc en priorité vers les Who, Led Zeppelin, UFO, Thin Lizzy ou ZZ Top que je me suis tourné. Et puis un soir, je tente Dire Straits. Et découvre celui-ci. Un de leur tout premier enregistrement radio, à Leeds, en plus ville symbole, à la Polytechnic University. Il date du 30 janvier 1978, soit 3 mois après la formation du groupe, et 4 mois avant la sortie du premier album. Je lis la set-list : c’est le condensé miraculeux de « Dire Straits » plus quelques chansons restées inédites en studio.
Et je découvre un enregistrement fabuleux. La qualité sonore est bien évidemment formidable étant donné qu’il s’agit d’une prise de son par une radio locale.
Bien que le public soit totalement absent, rendant ce live presque froid, lugubre, la musique de Mark Knopfler et ses boys est brûlante. Le quatuor est brillant, souple, félin. La rythmique de Pick Wither à la batterie et John Illsley à la basse vrombit, sûre et précise. On ne dira jamais combien Withers fut un batteur génial. C’est d’ailleurs après son départ que le groupe perdit un peu de sa substance. Ici, tout s’éclaircit : il est le groove, tout en roulements de toms fins et friselis de cymbales.
Les frères Knopfler, David à la rythmique et Mark à la lead, n’ont plus qu’à dérouler la mélodie. Le frangin David est aussi un sacré maillon dans le groupe. Ses riffs funky, parfois reggae, mais riches en harmoniques, tapissent le mur sonore sur lequel Mark développe ses chorus magiques, tout en picking.
L’unité de Dire Straits est ici sidérante. La précision des interprétations, y compris dans les improvisations, est tout simplement magique.

Tout commence par un Mark Knopfler un peu enroué, qui dit un simple « Hello » sans aucun retour du public. Il le répète, sans succès, avant de se moquer de l’amorphie de l’audience. Puis Dire Straits démarre sur un « Southbound Again » à peine éclos. La rythmique tourne comme une horloge, éblouissant d’étincelles blues et funk le ciel noir de Leeds. Dire Straits est décidément un ovni. En pleine vague Punk, dégainer JJ Cale, Chet Atkins et les Meters, il faut être un brin gonflé, ou inconscient. De toute façon, les boys sont trop vieux pour ces conneries, tous dans leur trentaine.
S’en suit un inédit pour le néophyte : « Eastbound Train », rugueux, galopant comme un vieux train de banlieue au milieu des cheminées d’usine. Et puis, paf, premier classique : « Down On The Waterline ». Tout est là, en place. De l’intro étouffée à la coda en riff inverse.
Et puis, il y a « In The Gallery ». Comme je le disais précédemment, j’adule ce titre. J’aime ce funk boueux, ces arpèges de guitares vicieux, râclant le sapin pour en définir un paysage à la fois triste et totalement révoltant. Ce titre sent la sueur, chaude et froide. Jamais un groupe n’aura autant fait corps avec le groove, plongeant tête baissée pour en décocher des soli à la fois émotionnels et vicieux.
Il fallait bien un « Water of Love » pour faire retomber la tension. Ce titre est étonnant. Il sent le Blues de John Lee Hooker ou de Howlin’ Wolf à plein nez, et pourtant, il y a ces sons presque exotiques qui font de ce blues un truc presque sautillant. Remis dans le contexte, on est quand même dans le Blues du Bayou à Leeds, sur la côte Ouest de la Grande-Bretagne Et franchement, on peut comprendre.
Chet Atkins ? « Setting Me Up », c’est un condensé de ce vieil homme et d’une certaine country, celle de Hank Williams, bien sûr. Mais avec ce côté rock’n’roll typé Carl Perkins qui rend le tout foudroyant. Tout cela pour dire, que la gonzesse, et ben, elle le gave sévère, et que sa valise est déjà sur le palier.
Puis viennent deux titres restés inédits : « Me And My Friends » et « Real Girl ». Ils prouvent une chose : Dire Straits était exigeant. Bien que pas désagréables, ils montrent les tâtonnements et certaines redites de compositions qui font la différence entre une excellente chanson, et une moyenne. A bien y réécouter, des Jason Mraz et autres blaireaux pseudo-funky-ragga aimeraient bien en avoir au moins une comme cela en magasin.
Je m’en fous, ils finissent sur « Sultans Of Swing ». Cette chanson, ne parlent par ailleurs pas d’eux, comme cela fut colporté. A force de lecture, Mark Knopfler imagina la vie sur la route d’un groupe de jazz noir fameux en tournée dans les années 50, les « Sultans Of Swing ». Il y décrit les galères d’un groupe en tournée, et celles d’un groupe noir et anti-conformiste à cette période. C’est avec beaucoup d’intelligence que Mark Knopfler décrit ce parcours entre succès, plaisir de jouer et injustice.

C’est sur cette intense moment de musique et de finesse que se termine cet enregistrement, âpre comme ces rues de briques merdiques symboles de l’étroitesse de la condition ouvrière, et du peu de considération que peuvent avoir ceux qui nous dirigent. Ce live m'a fait replonger dans les quatre premiers disques de Dire Straits. Et particulièrement dans le premier, éponyme, souvenir de jeunesse. Et c'est seulement maintenant à comprendre ce que je ressentis à l'époque à son écoute.
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