dimanche 31 août 2008

FAMILY

"D’ailleurs, la musique de Family n’est que cela, ce duel entre douceur mélodique, et grands coups de savate soniques."

FAMILY « Live » 2003 - enregistrement de 1971

La fin des années 60 est le théâtre d’une explosion musicale considérable, ouvrant le rock et le blues anglais à la psychédélie et la folie des croisements improbables avec le jazz, l’acid-rock, et la musique symphonique. De ce drôle de délires sortit d’immenses groupes, comme King Crimson par exemple, dont le succès fut immédiat. Pour d’autres, les choses furent plus compliquées.
Family en fait partie. Pas que ce quintet anglais n’ait eu aucun succès. Il eut en effet quelques belles heures de gloire, mais resta confiné dans une sorte de deuxième division du rock progressif qui ne permit pas au grand public de savourer pleinement sa musique.
Il faut dire qu’approcher Family, c’est un peu le grand bain initiatique pour le néophyte. Musique culbutée ancrée profondément dans le blues et le rythm’n’blues, elle transgresse les codes pour s’échouer dans des rythmiques percutées oscillant entre hard-rock, jazz, et folk. L’autre particularité de Family, c’est la voix de son chanteur, Roger « Chappo » Chapman. Sorte de croisement entre une chèvre, un ours, et un loup hululant à la nuit tombée, il est à lui seul l’improbable croisement d’influences de son groupe.
Le groupe défendit sur toutes les scènes européennes sa musique avec acharnement, charisme, et originalité. Et si la totalité de la discographie du groupe mérite une oreille attentive, incontestablement, ce live enregistré en 1971 sur la tournée « Fearless » est représentative de ce qu’est Family.
D’abord, il y a la prédominance de la guitare de Charlie Whitney, usant par ailleurs une Gibson SG Double-Neck depuis la fin des années 60. Entre arpèges magiques, riffs lourds, et chorus assassins, Whitney affirme sa présence en épaulant Chapman. Survolté, l’homme, toujours doté d’un tambourin qu’il massacrait systématiquement, entre en transe. Poli Palmer aux claviers, ou plutôt au vibraphone, apporte une couleur étrange, très anglaise, à ce rock halluciné. Et puis derrière, il y a Rob Townsend et sa frappe carrée, et John Wetton à la basse, futur King Crimson, Uriah Heep et Asia, entre autres.
Alors vous aurez compris qu’on a pas affaire à un groupe de rigolos. Et ce dés le monstrueux et turbulent « Good News – Bad News » de huit minutes, on entre dans une orgie de décibels léchant les tympans comme les vagues sur une plage, se fracassant parfois sur les rochers. Ça gronde, ça explose, ça percute. Les soli de Palmer et de Whitney sont redoutables, courant sur la basse ronflante de Wetton, et la batterie lourde de Townsend.
D’ailleurs, la musique de Family n’est que cela, ce duel entre douceur mélodique, et grands coups de savate soniques. Les moments de pure magie, on les retrouve partout, comme ce superbe « Between Blue And Me », magique, héroïque. Et puis il y a toutes ces petites touches progressives, cette flûte sur « Drowning In Wine », le moog sur « Part Of The Load ». Et puis il y a cette voix envoûtante, celle de Chapman, qui vient des tripes, grondante, crachant le blues sur cette étrange mixture de blues, de jazz, et de folk.
Family continuera à ratisser les salles anglaises durant encore deux ans avant de se dissoudre, lassé par le peu de reconnaissance, et bloqué devant un léger manque d’inspiration sur le dernier album, « It’s Only A Movie », très country-rock.
Chapman et Whitney formeront alors les Streetwalkers, et reviendront à leurs premiers amours : le blues, le rock et le rythm’n’blues. Il produiront entre 1974 et 1978 quatre excellents albums, dont un fabuleux live, et connaîtront un succès certain. Depuis la fin des années 70, Chapman poursuit une carrière solo plutôt réussi et régulière, très populaire en Allemagne, restée fidèle au chanteur.
Quant à Whitney, il enregistre un disque par ci par là, mais depuis la séparation d’avec son compère Chappo, l’homme est un peu en panne, comme un Page sans son Plant.
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mardi 26 août 2008

BLACK SABBATH 1970

"Jamais un disque n'aura dégagé une telle impression de malaise, une telle menace, un tel souffle soufré."

BLACK SABBATH : « Black Sabbath » 1970

Début 1970, les fleurs du Flower Power se sont fânées sous les coups de matraque de la Garde Civile américaine. Depuis 1969, un nouveau son est apparu, plus lourd, issu du British Blues-Boom des années 60, et dont Led Zeppelin, Free ou Spooky Tooth sont les armateurs. Le Blues d’origine est alourdi, hurlé, dramatisé, accentuant l’aspect rebelle et désespéré de la musique.
Il faut de l’agressivité pour évacuer la frustration générée par l’espoir déchue des années 66-68. L’avenir s’est assombri, et à l’optimisme d’un monde meilleur s’est substitué un pessimisme profond et une agressivité générale que vient symboliser le Heavy-Rock naissant.
Les textes restent pourtant relativement neutres, Led Zeppelin ou Free se concentrant sur des thèmes proches de ceux abordés par les Bluesmen noirs : la misère sociale bien sûr, mais aussi et surtout l’Amour et le Sexe sous tous leurs aspects. Des thèmes plus noirs seront abordés plus tard, après EUX.
Eux, ce sont quatre gamins de la banlieue ouvrière de Brimingham : James Michael « Ozzy » Osbourne au chant, Tony Iommi à la guitare, Terry « Geezer » Butler à la basse, et Bill Ward à la batterie. Les quatre jouent ensemble depuis maintenant deux ans. Ils ont commencé par une mixture de Jazz et de Blues-Rock alors très tendance en 1967-68. Jouant de pubs en clubs, ils se sont taillés une jolie réputation, même si ce ne fut pas facile. Iommi avoua ainsi que pour attirer l’attention des buveurs de stout, le groupe se mit à jouer de plus en plus fort, jusqu’à saturation. Tournant dans une petite camionnette sans chauffage, le quatuor survit en gobant des acides. On est loin des plages californiennes.
Entre les concerts, les musiciens ont des jobs. Iommi travaille à l’usine sidérurgique du coin. Black Sabbath est à la veille d’une tournée britannique en compagnie du groupe Andromeda (avec John DuCann, futur Atomic Rooster). Alors qu’il découpe des tôles, le majeur et l’annulaire de sa main droite restent bloqués sous la presse. Les deux doigts sont sectionnés de moitié. Mais Iommi ne désespère pas. Suivant l’exemple de Django Rheinhart, qui continua à jouer malgré sa main brûlée, le guitariste gaucher décide de fabriquer deux prothèses en cuir, et détend l’ensemble des ses cordes afin de pouvoir tirer dessus en bend. Le son Black Sabbath est né : un son lourd, menaçant, profond, celui du Heavy-Metal.
Et lorsque le groupe sort son premier album le vendredi…13 février 1970, le choc est immense. La pochette sombre représente une sorcière au fond d’un bois, et à l’intérieur, une croix sataniste se distingue sur un fond noir. Et la musique impressionne encore davantage : dés le riff plombé de « Black Sabbath », longue incantation païenne finissant dans un tourbillon de guitare dévastateur, on comprend que les utopies n’ont plus lieu d’être. Jamais un disque n’aura dégagé une telle impression de malaise, une telle menace, un tel souffle soufré. La basse matraque, claque comme un fouet derrière les riffs de guitare, pendant que la batterie appuie telle un mammouth le rythme pesant. La voix d’Ozzy n’a plus rien à voir avec les vocalises Soul ou Blues : c’est un fantôme qui déclame des paroles se référant à la magie noire, à la science-fiction de HP Lovecraft (« Beyond The Wall Of Sleep »), ou au Diable (« NIB »).
Pourtant, on est jamais très loin du Blues, car la musique de Black Sabbath en découle réellement : son Heavy-Metal n’est rien d’autre qu’un Blues lourd et pesant, joué de manière rustique et suramplifié.
Pour preuve, la somptueuse reprise de « The Warning », originellement un titre de Aynsley Dunbar Retaliation, est un vrai Blues british, mais traité de manière hallucinatoire. Voguant sur une dizaine de minutes, alternant soli jazzy, et attaque de riffs plombés, le texte racontant une séparation prend une ampleur dramatique, et où l’on se dit que la fille en question va finir brûlée sur un bûcher !
Egalement, les titres « Evil Woman » et « Wicked World », parus à l’origine sur un simple en 1969, sont de vrais titres de Rythm’N’Blues, mais joués avec ce son caractéristique, et par des gamins qui ont définitivement imprimé leur propre personnalité au genre.
Ce disque, un de leurs meilleurs, marque la fin définitive du genre Blues Anglais, et le vrai départ du Heavy-Metal à l’anglaise. Par la suite, les albums du Sab’ seront définitivement Heavy-Metal, plus élaborés, mais toujours d’une grande qualité. Le groupe sera pourtant descendu par la critique, et ce dés le premier disque (« Inaudible » dixit le Melody Maker, « Une musique pour dégénérés mentaux » dixit le NME).
Il faudra attendre les années 90 pour qu’enfin on reconnaisse l’influence du quatuor sur l’ensemble de la production Rock des 30 dernières années. Sans doute parce qu’il est plus facile de jouer le riff de « Paranoid » que les arpèges de « The Rain Song » de Led Zeppelin quand on débute la guitare.
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dimanche 24 août 2008

RIOT

Bon, ben voilà, je suis parti en vacances. Repos, famille et autoroute des vacances. C'est sous cette triplette Pernaudienne que je me suis retiré ces derniers temps. Ce jour, reprise du boulot, la France est toujours un immense paquet de merde Sarkozien. Bref, il est temps de revenir aux vraies valeurs : le Rock'N'Roll. bref, ça va chier.

Pour la reprise, voici donc :

RIOT « Narita » 1979

Durant mes jeunes années, j’ai dû aller travailler en région parisienne, vers Evry pour être exact. Je bossais pour un syndicat des eaux, et ce boulot me permettait de naviguer à travers les différentes agglomérations avant de rejoindre le soir mon riant studio dans le quartier des Pyramides. Immenses barres de béton grisâtres, j’étais cerné par, d’un côté les CRS, et de l’autre, une population à la dérive, sombrant dans le quotidien et l’ennui, ce que je ne tardai pas à faire moi-même.
En effet, que faire dans cet enfer de béton, où toutes les activités, que ce soit sportives ou culturelles, sont concentrées dans le centre-ville alors que vous en êtes à l’écart ? Pas grand-chose, à part vous faire chier sur un banc et boire des bières.
Le son qui illustrait cette misère sociale était déjà le rap, mais de mon côté, je découvris Riot. Putain de nom, déjà, et putain de groupe aussi. Issu de la banlieue new-yorkaise, ce quatuor délivra trois très bons disques avant de sombrer dans le métal facile dans les années 80.
En fait, il ne faut pas chercher ni d’originalité chez ces garçons, pas plus que chez Teaze par exemple. Riot, c’est du heavy-rock baston, sans concession, jouer à fond la caisse. C’est de la musique de mec, tête baissée, la guitare en avant. La batterie de Peter Bitelli tamponne sévère, et les guitares de Mark Reale et Rick Speranza hurlent des riffs sauvages et brutaux qui frise le heavy-metal. Les soli ne sont que des prétextes à des envolées lyriques gavées d’octane. Ça sent la gomme brûlée.
« Narita » est leur deuxième album, et peut-être pas le meilleur des trois premiers, à savoir « Rock-City » en 1977, et « Fire Down Under » en 1981, plus celui-ci au milieu. Mais force est de constater que ce fut celui qui me marqua le plus à cette époque, et je l’écoute toujours avec un immense plaisir.
Il y a là-dedans, je crois, toute l’ambiguité de ma vision de la musique par rapport à la société. Si j’ai toujours bien ressenti le message proposé par les différentes communautés musicales, que ce soit le hip-hop, la techno, ou le métal, par rapport au contexte social, j’ai toujours fait bande à part. Ou plutôt bande-son à part. pour moi, le rap n’était pas la musique appropriée à cet immense foutoir d’état. Pour moi, la révolte devait passer par l’électricité, par le rock’n’roll, un peu à l’instar de la scène rock du Havre, Little Bob Story et les Dogs en tête. Riot concentrait toutes ces pulsions physiques : colère, frustration sexuelle, injustice, abandon … et les crachait en un venin noir et sauvage.
Alors je me passais Riot dans la bagnole, les immeubles lugubres, les friches industrielles et les périphériques défilant dans la vitre. Chaque jolie fille dans la rue était une proie en puissance, inconsciente du danger qu’elle courait. Riot m’avait donné cette assurance, cette force, cette arrogance qui me donnait des ailes pour continuer à vivre dans ce merdier.
Alors bien sûr, quand la cassette se terminait, et que RTL reprenait ces droits, tout cela s’évanouissait, mais pendant quarante minutes, j’étais le roi de la route. Et quand on a dix-huit ans, cela n’a pas de prix. tous droits réservés

mardi 12 août 2008

THE MISFITS

THE MISFITS « Static Age » 1978

Les USA avaient-elles autant les boules pour pondre pareil truc ? Le Punk US se résuma souvent à une scène arty dont les fleurons furent les Talking Heads, Television, Pere Ubu, ou Blondie. Seul les Ramones portèrent haut et court l’étendard du riff primaire et violent entrecoupé de paroles d’une confondante simplicité, niaiserie, dirons les mauvaises langues.
On chercha alors surtout le punk du côté des anglais, pour le côté urbain et industriel. On se souvint guère que l’Amérique des séries télé des années 70 enfanta l’un des plus redoutables combos punks de l’histoire, totalement culte, mais parfaitement ignoré.
Les Misfits, originaires du New Jersey, étaient en fait et surtout le backing-band d’un jeune chanteur du nom de Glenn Danzig. Affamé de films d’horreur de séries Z, et obnubilé par les mythes torturés de l’Amérique des années 60, il créa un groupe de rock sombre et gothique avant l’heure.
Ne chercher pas ce disque, à part dans les pirates, ou dans un coûteux coffret regroupant l’intégral du quatuor dont les méfaits s’étalent entre 1977 et 1983. Les Misfits resteront connus pour avoir influencé Metallica, qui reprendra « Last Caress » et « Green Hell », mais aussi pour ses costumes et maquillages de goules macabres, sorte de Kiss déglingué à l’extrême.
Ce premier album enregistré proprement en studio est un concentré des meilleurs titres des Misfits peu de temps avant que le combo plonge dans un son frisant le hardcore. On y trouve ici les meilleurs chansons, dont le sublime « Last Caress », « Attitude », Angelfuck », « Teenage From Mars », ou encore « We Are 138 ».
Le tout est éjaculé en moins de deux minutes, avec riffs serrés, et puis cette voix. Car sur le magma sonore linéaire et simplissime brille la voix de Danzig, incantatoire, et presque soul, frisant le Paul Rodgers par moment.
Il est sidérant de voir à quel point ce groupe sut apprivoiser la violence des banlieues urbaines des USA, à l’instar des Stooges à la fin des années 60.
Il y a surtout, et c’est en cela que les Misfits sont particuliers, c’est l’absence de thème lié à la politique. On a souvent associé le Punk à la contestation sociale. Quelque part, les Misfits contestent, mais semblent être marginaux, vivant en parallèle à la société de consommation type « Dallas », brassant les vieux fantômes de l’Amérique, les épouvantails de jadis jamais vraiment disparus.
Comme un vieux film d’horreur, ils ressurgissent, bardés de cuir de haine, pour hurler à l’Amérique de Johnson la merde des quartiers urbains. La musique des Misfits se transforment en chant de la mort, celui des désaxés, comme ceux du dernier film de Marilyn Monroe qui donna son nom au groupe. C’est la musique des losers de l’Amérique, mais côté crachat. Si Springsteen et Bob Seger surent mettre en musique les préoccupations des laborieux, et leurs attentes, les Misfits tentèrent de pointer du doigt (le majeur) la rage.
J’ai eu beaucoup de mal à plonger dans l’univers des Misfits, mais une fois l’accroche réalisée, je plongeai dans cet univers vicieux et dangereux, relief de mes plus âpres pensées. J’y trouvai la colère que j’avais en moi, et l’intégrale du groupe chanta en moi comme la voix des paradis perdus.
Il me fallut de longs mois pour apprivoiser toute la finesse cachée dans cette musique, et je compris pourquoi Cliff Burton, le premier bassiste de Metallica, se tatoua la goule symbole des Misfits, sur le bras. Car on ne peut avoir cette musique que dans la peau.

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mardi 5 août 2008

JAMES GANG

THE JAMES GANG « Rides Again » 1970

A la question « Joe Walsh a-t-il toujours été mauvais ? », je répondrai assurément non. Je ne dis pas ça pour les Eagles, et sa participation aux glorieuses années cocaïne du groupe lors de la sortie de « Hotel California », en 1976. Je ne dis pas cela non plus pour ces loufoqueries dont le plus bel exemple fut sa candidature aux présidentielles américaines de 1980.
Non, Joe Walsh est un personnage digne d’intérêt. Il y a fort longtemps, certes. Si on veut du vrai rock’n’roll de sa part, disons qu’il faut remonter au James Gang. Cela nous renvoie à, disons, 1969-1970. Pas tout jeune, ça.
Mais quelle musique. Le James Gang est un trio composé de Joe Walsh à la guitare et au chant, de Jim Fox à la batterie et de Dale Peters à la basse. Formé sur les cendres de la British Invasion et du British Blues Boom, le groupe attache une importance particulière au blues et au rythm’n’blues. Pas évident aux USA à la fin des années 60, entre le Vietnam et les hippies. Les premiers concerts cassent pourtant la baraque, et le premier album éponyme de 1969, globalement bon (un peu bousillé par les fameuses loufoqueries de Walsh), permet au groupe de tourner avec Fleetwood Mac, et notamment à la Boston Tea Party, dont les enregistrements ont été chroniqués ici (superbe jam avec Peter Green, Eric Clapton et Walsh).
Le trio se lance aussitôt dans l’enregistrement d’un second disque. Beaucoup plus abouti, « Rides Again » est avant tout un brûlot électrique mêlant heavy-blues à l’anglaise, et un son funky lourd. Le mélange est explosif. Clairement défini dés le premier titre « Funk #49 » (le 48 est sur le premier album), ce mélange funky-heavy fait irrésistiblement taper du pied. Un court instrumental électrique fait la jonction avec le heavy « Woman », sur laquelle la voix nasillarde de Walsh fait des merveilles. La basse lourde pose les bases, avant que la batterie de Fox, au jeu enluminée de subtiles interventions de toms, viennent taper le rythme plombé.
Mais pour le plomb, il faut attendre le chef d’œuvre du disque : « The Bomber ». Evoquant le délire d’un pilote de bombardier au Vietnam, le morceau se partage en trois parties. Commencé par un riff lourd et rageur, le titre se met à planer sur des glissades de blottleneck avant de s’écraser sur le « riff » du Bolero de Ravel, version martiale. Le final permet un redécollage électrique magistral. Tout ici est brillant, des soli de Walsh, à la rythmique de Peters et Fox, tour à tour puissante et légère, presque jazzy.
Après une telle pièce, le Gang part sur des territoires acoustiques enluminés d’orgue Hammond. Tout commence avec le magnifique « Tend My Garden ». « There I Go Again » se veut plus country, quand « Thanks » se veut plus soul. Le disque se clôt sur le celtique et très zeppelinien « Ashes, The Rain, And I ». Chanson superbe, émouvante, elle semble clore la vie du pilote de bombardier sur un tapis de cendres, sous la pluie. De discrets arrangements de violons viennent appuyer le côté dramatique du titre, et qui n’est pas sans rappeler « Upon A Golden Horse » sur l’album « Walking Into Clarksdale » de Page et Plant en … 1998. La mélodie au violon a également été piquée par Fatboy Slim, pour info.
Le groupe produira un troisième album en 1971, « Thirds », très réussi également, avant que Walsh parte pour une carrière solo très réussi avant son intégration dans les Eagles (So What » en 1974), puis progressivement, le son se fera plus FM commercial. Il semble que Walsh, à soixante balais, se soit rendu compte que le blues et l’électricité lui faisaient du bien, puisqu’il a reformé le James Gang l’année dernière. Décidément, il semble que pas mal de héros rock arrivent à l’âge de raison. A moins que ce soit la peur de vieillir.
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