mercredi 23 avril 2008

DIAMOND REO

DIAMOND REO « Dirty Diamonds » 1976

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé d’écouter un disque rare, et de vous dire : “merde, c’est incroyable ! ». Non mais franchement, je crois que l’on ne se comprend pas bien. Grand amateur de heavy-rock, j’ai exploré les tréfonds du genre, mais nombre de références élitistes m’ont déçu. C’est dans un numéro de « Enfer Magazine », vénérable magazine de heavy-metal des années 80 qui illustra sa couverture d’un Ritchie Blackmore triomphant , que je découvris la bête.
C’étais un numéro dans une brocante, qui datait de 1986 (un siècle déjà ?), que je vis dans la rubrique « vieillerie à découvrir » ce disque. Enfin, que j’en entendis parler, parce que pour le trouver…. C’était il y a quatre ans… A Dijon, dans une boutique de marchand de vinyls, dans le bac hard-metal, je trouve « Dirty Diamonds ». Je l’achète, et je l’écoute …. Et puis….
Ce phénomène m’ait arrivé plusieurs fois, mais là, c’était très fort… Comment dire. Je crois qu’à l’écoute des trois premiers morceaux, je l’aurais enfermé dans un coffre-fort, comme un trésor magique. Je fus frappé par la qualité des guitares, des riffs, des mélodies, j’avais l’impression d’avoir dans mes mains un disque génial, un sommet inconnu, qui résumait le meilleur du heavy-rock des années 70.
La Guitare en érection pulvérisait des kilomètres d’accords électriques. Le son, compact, et crade par sa production, faisait ressortir la basse ronflante typique du blues anglais de la fin des années 60.
Et dans vos mains, vous avez l’impression d’avoir un condensé de tout ce que le heavy-rock peut vous proposer de meilleur. Comprenez là que cette musique est à la fois le purgatoire de toutes les frustrations, et le fantastique véhicule des pulsions de liberté les plus primaires. A l’écoute de ces dix titres, il semble que tout devient possible, que vous avez le pouvoir pendant quelques minutes. Votre pire ennemi meurt dans d’atroces souffrances des suites de la main de la Justice (c’est-à-dire la vôtre), la jolie secrétaire de direction qui ne vous regarde jamais, et qui ondule des hanches en jupe et talons aiguilles ne se pâme qu’à votre approche, fondant dans une rivière de cyprine orgiaque. Et enfin vous vous sentez bien, et la voiture qui vous attend en bas n’est pas votre vieille Clio, mais une luisante Ford Mustang Fastback Shelby sur les sièges de laquelle la jolie secrétaire aimerait bien installer son capiteux postérieur.
Tout cela, bien évidemment, s’arrêtera lorsque le diamant remontera du vinyl. Mais qu’importe, vous avez enfin ressenti du fond de votre âme de péquin moyen l’ivresse du vrai rock’n’roll.
De ce fait, ce disque est mythique pour moi, parce qu’il fait parti de la poignée de disques qui font vibrer en moi, et à chaque écoute, cette corde sensible qui est celle de mes fantasmes.
Norman Nardini, le bassiste et fondateur du groupe, y avait-il pensé ? Pas sûr. Toujours est-il que le premier album éponyme paru en 1975 n’annonçait pas un tel déluge de feu. Juste augurait-on une écriture plutôt supérieur à la moyenne, noyée dans un son glam-rock très proche de T-Rex. Le troisième et dernier disque, « Ruff Cuts » en 1978, ne reproduisit pas non plus cet exploit, ce qui fait donc de ce disque un véritable obus, rare, sorte d’instantané de quatre musiciens (Norman Nardini, Frank Zuri au chant, Warren King à la guitare, Rob Jones à la batterie) en état de grâce.
Et la chanson « It’s A Jungle Out There » reste pour moi la synthèse absolue de la chanson heavy-metal : puissante, racée, muni d’un son compact et agressif joué par un groupe soudé, et doté de soli de guitare brillants.
De ce disque étincelant, il ne resta aucune trace dans l’histoire, pas même une ligne dans toutes les encyclopédies hard-rock. Mais dans mon histoire à moi, cet album est capital, une pierre angulaire de la vraie rage de ce que devrait toujours ce foutu rock’n’roll.

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Où quand l'électricité, le tonnerre des guitares vous parcourent les veines et vous brûlent les tripes.

lundi 21 avril 2008

FRANK MARINO AND MAHOGANY RUSH

FRANK MARINO AND MAHOGANY RUSH « Real Live ! » 2004

Déjà abordé dans ces pages, le sujet Frank Marino et Mahogany Rush fut l’occasion pour moi de réhabiliter un musicien d’exception des années 70. Mais je ne savais pas jusqu’à récemment que l’homme s’était réhabilité par sa propre musique il y quelques années de cela.
Comprenez ici que souvent, la plupart des musiciens des années 70, si ils restent de très bonnes attractions scéniques, et de très honorables compositeurs l’expérience aidant, la plupart ont perdu avec l’âge le feeling et la fougue de leurs jeunes années.
Marino a effectué une pause d’une dizaine d’années dans les années 90, celle-ci ayant suivi un net ralentissement d’activités durant les années 80. Dégoûté du music-business, perdu dans les brumes du show-business, il a préféré s’éclipser afin de ne pas sombrer dans la dépression et la came. Incompris, ridiculisé par les médias par une sombre histoire de réincarnation hendrixienne, Frank Marino a pris le temps de son retour.
Par le soutien des fans sur son site, il a décidé de reprendre la route, et il a rudement bien fait. Car ce live est sans doute son meilleur enregistrement à ce jour, loin devant ses disques seventies.
Déjà, commencé un disque live par « Voodoo Chile » (pas la version hard Slight Return que tous le monde a repris, non la version blues de 15 minutes), il faut être gonflé. Ou être sûr de son talent. Car ce titre, enregistré live par le grand Jimi en 1968, et à mon sens le plus emblématique du feeling hendrixien. Ce qui veut donc dire qu’il est comme suicidaire de vouloir la reprendre sans se prendre les pieds dans le tapis, et plongé dans le plagiat grotesque. Et ce Qui fait craindre le pire, c’est que Marino est réputé pour être « habité » par le Voodoo Child. Seulement, voilà, habité est le mot. Marino y est brillant, épris du souffle magique, de l’inspiration du musicien, et délivre un blues intense, électrique, ondulant sur de long chorus barbelés, mystiques.
Ce mot est d’ailleurs celui de ce disque. Car outre le fait que Frank ait la Foi, il est d’une grande discrétion sur le sujet, y adoptant plus là-dedans une philosophie qu’une doctrine. Cela lui évite notamment de tartiner ses paroles de prêches cul-bénis repoussoirs. Et de continuer à évoluer dans le monde du Rock sans gêne.
Ce live est en fait une formidable expérience sonore et personnelle, Marino tentant de faire toucher à l’auditeur la dimension mystique et surréaliste de sa vision par la musique. Tous les titres s’enchaînent donc presque avec une décontraction phénoménale. La guitare virevolte, brillante d’un bout à l’autre.
A ce titre, Marino a rejoint dans sa dimension émotionnelle la guitare de Robin Trower, ce qui n’est pas un vain mot. En effet, si Marino, tout empreint de talent soit-il, réussit à imposer sa patte sur l’héritage hendrixien, il ne réussit pas toujours à le dépasser. Trower assura cette relève de l’ampleur émotionnelle et cosmique, et de ce dés son premier disque, là où Marino pataugeait encore entre le plagiat et l’innovation.
Force est de constater que bien que les deux hommes ont un toucher très distincts, celui de Trower étant de loin le plus émotionnel, le plus prenant, Marino impose un jeu tout en ondulations électriques, intenses de petits phrases rapides ou lentes comptant les émotions à la place des mots.
Et cela est fort vrai pour le magnifique « He’s Calling », ou encore le titre de fin « Try For Freedom ». Ce qui est formidable, c’est de voir l’extraordinaire cohésion du répertoire, et en même temps, le brio des dernières compositions, moins prétentieuses, plus fines dans leur approche. Frank Marino est devenu un poète de la guitare, un vrai, capable de vous faire traverser la planète sur le dos d’un oiseau, de vous faire explorer les recoins les plus fous de votre imagination juste avec quelques notes. Le fougueux pur sang du manche est devenu un cavalier solitaire au long cours, un magicien de la note, subtil, et qui inscrit à 54 ans son meilleur disque à ce jour.
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dimanche 6 avril 2008

BLACK SABBATH 1978

BLACK SABBATH « Never Say Die » 1978

“Il y a des jours où il vaut mieux rester coucher”. C’est sans aucun doute ce que dut se dire Tony Iommi en se grattant la tête, là, dans le studio, à Toronto, en 1978. Il faut dire que cette année restera gravée comme une des plus difficiles de l’existence de Black Sabbath.
Imaginez un peu : le quatuor formé de Bill Ward à la batterie, de Geezer Butler à la basse, Tony Iommi à la guitare, et Ozzy Osbourne au chant tourne depuis maintenant dix ans sans répit. Ajoutez à cela un album par an, et vous obtenez le lessivage complet des quatre musiciens.
En phase aigue d’essorage fin 1977, Ozzy quitte le groupe. Les musiciens, noyés dans des problèmes d’alcool et de came démentiels, perdent les pédales et se chamaillent. Iommi et Butler ont progressivement pris le contrôle du groupe. Iommi impose en 1976 un album ambitieux, très produit, emmenant Black Sabbath dans des territoires progressifs extrêmement audacieux. Le problème, c’est que les chansons étaient parfois faibles à la vue des albums précédents. « Technical Ecstasy » fut un four commercial, élément qui renforça Ozzy dans la certitude que le groupe se devait de revenir à un son plus rock, celui des débuts. Mais ce dernier étant incapable d’aller au bout de ses idées, préférant avaler LSD et whisky-coca, Iommi garde le contrôle, soutenu par Ward et Butler.
Ozzy épuisé, quitte donc une première fois Black Sabbath en novembre 1977. Temporairement remplacé par l’ancien Savoy Brown Dave Walker, le combo commence à composer un nouveau disque. L’ambiance, plus décontractée, permet à Iommi et Butler d’écrire librement. Une première émission de télévision, à la BBC, début 1978, révèle un nouveau titre : « Junior’s Eyes ». la chanson, à l’étrange intro de basse, installe une ambiance métallique et lointaine, faite de wah-wah et de chant grave, blues. Puis au refrain, le riff éclate, puissant, audacieux.
Assez inhabituel, le morceau interpelle. En mars 1978, Black Sabbath réserve un studio à Toronto. Entre-temps, Ozzy se manifeste. Il désire revenir au sein du groupe. Walker est donc remercié, et voici Ozzy de retour. Mais les choses ne se passent pas dans le plus grand calme. Le chanteur refuse d’enregistrer les paroles initiales, et le Sab doit réécrire les paroles complètes en moins de 48h.
Et donc, moins de 48 h plus tard, voilà nos quatre briscards en studio, dopés à mort pour tenir le choc, tenant à peine sur leurs instruments. Alors, oui, Tony se demande bien ce qu’il fait là, dans cette débâcle.
Pourtant, il en sortira un très grand disque, dénigré par les fans et le groupe lui-même. Pourtant, quelle erreur. Si « Technical Ecstasy » s’était montré faible au niveau des compositions, avec « Never Say Die », Black Sabbath a réussi son ambitieux disque progressif.
Le groupe reste néanmoins heavy-metal, le premier titre éponyme vient le rappeler, dernier tube avec Ozzy aux USA. La chanson, percutante, et efficace ouvre parfaitement les hostilités.
Mais dés « Johnny Blade », on comprend que le Sab veut aller plus loin. Le synthé de l’intro a un peu vieilli, lorsque la guitare rugit, le titre se met en place. D’ailleurs se sera le cas tout le long de ce disque. Car ici Iommi y est brillant du début jusqu’à la fin : ses soli, ses riffs sont d’une très grande originalité, inspirés, subtils.
L’autre grand de cet album, c’est Bill Ward. Si le batteur n’a jamais vraiment brillé dans les classements de batteurs par sa technique, mais plus par sa personnalité et son style lourd. Ici, il est simplement brillant. Breaks fins, roulements de toms, de double grosses caisses, et contrepoints finauds font de cet enregistrement la preuve que Ward est un immense musicien. C’est particulièrement vrai sur le titre « Shock Wave ». Titre démoniaque, attaquant dans un déluge de feu, avant de se terminer dans une apothéose mélodique et électrique démentielle.
D’ailleurs, c’est bien la mélodie et l’électricité qui dominent. Il y a notamment sur ce disque la somptueuse ballade « Air Dance ». Oscillant entre riff rageur et mélodie aérienne, avec un solo jazzy du plus bel effet, cette superbe chanson est un sommet du disque. Il y a également l’héroïque et bandé « Over To You ».
Et puis il y a cet instrumental cuivré, « Breakout », génial d’audace et d’inventivité, sur lequel Butler jettera pourtant son fiel trente ans plus tard. Enfin, il y a « Swingin The Chain », un boogie-blues chanté par Ward, qui finit également dans les cuivres furieux. La voix du batteur, fragile et à peine juste, rend ce titre prolétaire et crasseux à souhait.
D’ailleurs, puisque l’on parle de boogie, l’ombre de Walker règne constamment sur ce disque. L’homme a dû en effet apporter son savoir-faire de chez Savoy Brown et Fleetwood Mac en matière de blues-rock. Il fut à mon avis une source d’inspiration pour Iommi, au point mort à l’époque.
Qu’importe, la tournée qui suit est un triomphe, mais Ozzy refait des siennes : il loupe plusieurs concerts, et ses frasques fatiguent les autres, déjà bien carbonisés. Pour couronner le tout, le groupe doit faire face à la concurrence rude de Van Halen en première partie, alors débutant.Finalement, Black Sabbath achève sa tournée fêtant les dix ans du groupe. Afin d’apaiser les esprits, Iommi propose à Osbourne de co-produire le prochain album. Complètement à la ramasse, Ozzy ne répondra jamais. Il est viré en septembre 1979 pour être remplacé par Ronnie James Dio. La suite donnera raison à Iommi, et Ozzy se vengera en solo. Pourtant, malgré tout, l’âme du sabbat noir restera son guitariste et son bassiste.
Pour commencer, voici un extrait live de 1978 de la chanson "Dirty Women" de l'album 'Technical Ecstasy", histoire de vous donner une idée du Black Sabbath progressif. http://www.youtube.com/watch?v=x5Ly70JJVv4
Et pour la bonne bouche, voici "Never Say Die" à ce même concert :
http://www.youtube.com/watch?v=SXAoNi4TXsg&feature=related
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mercredi 2 avril 2008

RANDY CALIFORNIA

RANDY CALIFORNIA « Kaptain Kopter And The (Fabulous) Twirly Birds” 1972

Ce disque est une hallucination. Il n’y a guère d’autre mot pour décrire cela. Randy California a toujours été un garçon à part, une sorte de comète dans l’histoire du rock, à l’instar de son pote et mentor, Jimi Hendrix.
Jouant ensemble dans les Blues Flames en 1966, Jimi veut débaucher le jeune Randy, alors âgé de 16 ans, à New York. Sa mère refuse, et Randy formera l’année suivante un groupe avec son beau-père, Ed Cassidy : Spirit.
Le quintet enregistrera quatre albums capitaux entre 1968 et 1970, dont le visionnaire « Twelve Dreams Of Dr Sardonicus », ou encore la chanson « Fresh Garbage », reprise régulièrement sur scène par Led Zeppelin. La musique du combo est alors un subtil mélange de rock psychédélique et de jazz, mettant à l’avenant les mélodies hallucinées de California.
Le groupe se disloque en 1970 suite à l’échec commercial de ses albums. Randy California se dévore à l’acide, et se ramasse à cheval, ce qui l’éloigne de la scène un certain temps. Quand il revient aux affaires, Spirit n’est plus, ou plutôt appartient aux deux frères Staehely, qui prirent les places de guitariste et bassiste en 1971.
Cassidy et California se retrouvent donc pour enregistrer un disque, mais quoi ? Du Spirit ? la chose ne veut pus dire grand chose, finalement. Et puis les évènements se sont précipités : outre la fin de Spirit, il y eut la mort du pote Jimi. L’esprit déjà confus par l’acide de Randy plonge dans des abysses de consternation, et il en arrive ce disque, enregistré en duo. Ou plutôt en trio avec l’intervention d’un certain Clit MacTorius à la basse, alias Noel Redding, le bassiste du Jimi Hendrix Experience.
Cet album est une vraie démonstration de guitare. Car si California sut mettre en avant sa six-cordes, il resta toujours dans l’ombre de son groupe afin de maintenir la cohésion musicale. Ici, il est libre, et cela s’entend.
Les guitares foisonnent, bourdonnent à tous les étages. Wah-wah, fuzz, slide-reverse, tous les effets possibles sont là. C’est en fait un album de Jimi Hendrix, mais version California. Comme si le gaucher Cherokee était là, dans l’âme de son vieux pote. Le résultat est excellent, à n’en pas douter. Parce que l’on retrouve ici le cosmic-blues hendrixien, ce son si caractéristique. Le tout est puissant, mais non dénué de finesse.
Et ce dés l’excellent « Downer », brillant brûlot sauvage, empli d’écho magique, cathédrale de fuzz en fusion. L’album est enregistré comme une fausse jam, avec réglage de guitare entre les morceaux. La batterie de Cassidy, toujours très swinguante et jazz, se fait plus lourde, brutale, sans pour autant perdre de sa finesse.
C’est une vraie odyssée cosmique que l’on trouve au travers de ses huit morceaux, transpercés d’éclats sonores un peu ovniesques, de bandes inversées et de chœurs féminins soul venus d’ailleurs. Comme si Randy California jouait déjà dans les étoiles, pour son copain Jimi.
Par la suite, Il se lancera dans un autre projet, appelé « Potatoland », et qui sous des aspects loufoques, dépeint la société policière américaine façon Orwell, thème déjà abordé dans la chanson « 1984 » de Spirit.
Puis ce sera la reformation de Spirit, et le maintien du groupe durant plusieurs décennies, sans grand succès commercial. L’homme devient un personnage culte, et maudit, alignant les disques brillants dans l’oubli le plus total.
Il finira par mourir dans les vagues de l’océan à Hawaï en tentant de sauver son fils de la noyade. L’enfant sortit des flots seul. Il reste cet ovni, une trace de poussières intergalactiques sur laquelle jam deux allumés du manche, enfin réunis. tous droits réservés